Quel est le point commun entre un serveur itinérant de Nescafé à Ouagadougou et un vendeur ambulant de Vache qui rit à Ho-Chi-Minh-Ville? Ils prolifèrent, leurs conditions de travail s'améliorent et ils servent désormais d'exemple. Au point de nouer des partenariats avec les plus grandes multinationales et d'inciter ces dernières à les répliquer sous d'autres cieux.

En Afrique de l'Ouest, teste quatre canaux de vente le liant avec des marchands indépendants. Le premier, intitulé Myowbu ("My Own Business" en anglais), fait appel à des commerçants ambulants pour vendre des boissons chaudes à la tasse. Un deuxième, dit Pushcart, implique des opérateurs munis d'un chariot et proposant une gamme plus variée de produits. La société veveysanne recourt aussi à des conducteurs, de tricycle motorisé ou de camion, qui se déplacent plus ou moins loin en fonction de leur véhicule. Chaque formule de distribution est accompagnée d'une formation.

Aller vers le client

Au Vietnam, ces réseaux informels permettent au groupe Bel de compléter l'offre des magasins traditionnels en Vache qui rit. La société française fournit depuis peu une assurance santé aux bons vendeurs, elle les aide à ouvrir un compte en banque et leur apprend à gérer un fonds de trésorerie. Les partenaires ont depuis vu leurs revenus croître de moitié, selon une enquête de l'AFP.

L'entreprise se félicite: ce système permet de toucher 150?000 clients en plus chaque semaine dans l'ex-Indochine. "Un consommateur classique achète de la Vache qui rit trois fois par an. Là, ça pourrait être tous les jours", a confié Eric de Poncins, directeur délégué chez Bel, à l'AFP. Dans la capitale vietnamienne, 15% des ventes du fromage qui ne fond pas sont désormais faites dans la rue. Un taux qui a grimpé à 10% à Abidjan et Kinshasa où le modèle vient d'être exporté. Il sera encore étendu dans une quinzaine d'autres villes, surtout africaines.

"Dans des marchés où la plupart des clients n'ont pas de frigidaire pour stocker la nourriture et où les revenus sont souvent journaliers, il fait sens de vendre des sachets en dose à usage unique plutôt que des gros colis", estime Peggy Diby, porte-parole de Nestlé pour l'Afrique de l'Ouest. Les partenariats sont complémentaires: le vendeur ambulant se déplace au sein des marchés, celui qui a un camion se place à un endroit stratégique et leurs homologues à moto ciblent les villages lointains. "Le but est d'aller au plus près des clients, qui ont de moins en moins de temps pour faire les courses", poursuit Peggy Diby.

Un modèle pour l'Occident

Dans les pays occidentaux également, les pendulaires foisonnent et sont pressés. "Les vendeurs ambulants pourraient donc bien faire leur retour en Europe et aux Etats-Unis car le contact personnel fait souvent sens. Mais cette démarche est coûteuse et perçue comme agressive. Il faut qu'elle soit cohérente avec le produit", estime Alexander Osterwalder, auteur du best-seller Business Model Generation. L'habilleur américain J. Hilburn envoie déjà son personnel chez les clients pour prendre leurs mesures. Et les foodtrucks reviennent à la mode.

"De plus en plus d'idées viennent des pays émergents. Le paiement par portable, initié en Afrique de l'Est, arrive dans les pays du Nord", relève de son côté Nicolas Inglard, directeur de l'agence Imadeo. "L'e-commerce fonctionne selon la même logique: la marchandise va vers le client", ajoute-t-il. La crise en Europe a servi de catalyseur, notamment à Unilever. Le géant anglo-néerlandais commercialise depuis peu des petits paquets de lessive ne permettant de faire que cinq machines et des soupes individuelles Knorr en France et en Espagne.

Nestlé collabore avec un nombre croissant de vendeurs indépendants et, comme Bel, exporte ses idées. Les noms de Myowbu et Pushcart résonnent désormais aussi en Afrique australe, au Bangladesh et au Népal. Les modèles de distribution avec vendeurs motorisés se sont propagés partout au sud du Sahara, mais aussi en Océanie, en Asie et en Amérique du Sud. Et peut-être bientôt plus au nord. (TDG)

(Créé: 21.06.2015, 20h41)