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Loïc Korval, l'insoumis du judo français

  Culture & Loisirs, #

Champion d'Europe des -66 kg en avril après des années de blessure et de rancœur, Loïc Korval annonce qu'il sera champion du monde, mardi 26 août à Tcheliabinsk en Russie.

Mohamed Ali, Malcolm X, Mike Tyson, Nelson Mandela ou encore Barack Obama. Loïc Korval n'y va pas par le dos de la cuillère quand il s'agit d'évoquer les grands noms avec lesquels il se reconnaît une destinée commune. Pour autant, pas question de leur dresser un mausolée. Cette faveur, il se la réserve. Car Loïc Korval n'est l'idole que de lui-même. Pour forger sa légende, il fallait donc une maxime qui fasse autant mouche que l'abeille pique : "C'est mythique, mystique, Korvalistique." Rien que ça.

Cet aphorisme, Loïc Korval l'a érigé à sa propre gloire sur son mur Facebook comme un empereur en d'autres temps sur l'Arc de Triomphe au lendemain de son titre continental des -66 kg à Montpellier le 24 avril. Et qu'importe si son fan-club n'enregistre qu'une communauté famélique de 3500 âmes. Après avoir mis l'Europe à ses pieds, le judoka de 26 ans a le regard résolument tourné vers la campagne de Russie à Tcheliabinsk où se déroulent les championnats du monde du lundi 25 au dimanche 31 août. C'est là, dans cette ville perdue au fin fond de l'Oural, à 4000 km de Paris, qu'il a prévu d'être sacré "champion du monde" au soir du mardi 26 août. Un épilogue aussi surprenant qu'inattendu au terme d'une saison qui avait pourtant commencé dans les lymbes du classement.

En octobre 2013, lorsque le sociétaire de l'Athletic club de Boulogne-Billancourt se présente aux championnats de France 2 e division, les observateurs voient ressurgir au mieux un redoutable spectre; au pire un drôle de clown. Sans palmarès depuis sa médaille de bronze aux championnats du monde à Tokyo en 2010 et son titre de champion de France 1ère division à Liévin en 2011, le come-back du judoka s'annonce difficile. D'autant que le 16 mai 2013, le nom de l'athlète a déserté la rubrique sport du Parisien pour celle, moins reluisante, des faits divers.

Il est minuit lorsque Loïc Korval, au volant d'une BMW rutilante, s'arrête à un feu rouge Porte de Vincennes. Une patrouille de police rôde dans les parages, jettant des regards suspects sur le véhicule et ses occupants (son amie et son cousin) avant d'ordonner au conducteur de s'arrêter. Après avoir fait mine de les suivre, Loïc Korval sème les forces de l'ordre. "Je voulais jouer le filou. C'était stupide de ma part", admet le fugitif très vite rattrapé par la patrouille et une moto. "Je freine et je laisse passer le motard qui glisse tout seul sur la chaussée, poursuit-il. Son collègue, qui a cru que je l'avais renversé, tire deux fois sur ma voiture. L'une des balles est passée à 3 mm de l'appui-tête." Apeuré, le judoka reprend la fuite pour se rendre au commissariat le plus proche, à Nogent. Un an et demi après les faits, l'affaire doit se solder devant les tribunaux le 9 octobre. Et là encore, pas question de baisser les bras. "Le procès se présente très bien. Toute la lumière va être faite sur tous les aspects du dossier", prévient Loïc Korval.

Côté judo, il fallait bien miser sur le redoutable spectre. Après avoir survolé l'antichambre de l'élite, le judoka se perche sur la plus haute marche du podium national à Marseille le 9 novembre 2013, non sans avoir déclenché une enième polémique. Après avoir scotché Kilian Le Blouch en finale, Loïc Korval se fend de ce que tout le public a identifié comme une quenelle, le geste "antisystème" popularisé par Dieudonné. Regard fier, torse bombé, il enfonce le clou en arborant le tatouage sur sa poitrine où il est écrit: "Peu importe le regard des hommes, seul compte le jugement de Dieu." Une attention adressée aux huiles de la Fédération française de judo (FFJDA) au premier rang desquels Jean-Luc Rougé, son président, qui n'a guère apprécié la plaisanterie. "Ce n'était pas une quenelle. C'était un pied-de-nez pour dire au public: "Je vous salue", se défend Loïc Korval qui a eu toutes les peines du monde à convaincre de sa bonne foi, convoqué dans la foulée pour un recadrage en règle au siège de l'instance.

La version officieuse de l'affaire retiendra surtout que Loïc Korval a réglé ses comptes ce jour-là après avoir mangé son pain noir des années durant. Certes, les hernies-discales ont entravé son ascension après sa médaille mondiale en 2010, mais davantage, c'est le dénigrement du staff à son égard, dirigé d'une main de fer par Benoît Campargue jusqu'aux Jeux olympiques de Londres en 2012, qu'il dénonce. "J'ai eu l'impression qu'on cherchait à m'enterrer le plus vite possible, se souvient-il. Sur le tatami, à l'entraînement, j'ai constaté les passe-droits, les préférences dont certains bénéficient et auxquels je n'ai pas eu droit. J'avais quand même l'un des meilleurs palmarès de l'équipe de France masculine et on ne me sortait pas."

Pour éviter pareille mésaventure, Loïc Korval a donc fait en sorte de ne "plus laisser le choix aux sélectionneurs". Champion de France 1 ère division à Marseille, le judoka annonce alors qu'il "reprend le leadership de la catégorie" en assénant au passage quelques piques à son principal rival en équipe de France David Larose. "Malheureusement, David, il a 29 ans, sept ou huit grands championnats derrière lui et une médaille aux Europe. C'est vraiment léger. Très, très, très léger. Cela prouve que ce n'est pas un champion. Moi, dès ma première sélection (en 2010 à Tokyo), je l'ai faite ma médaille."

La réponse de Stéphane Frémont, ne tarde pas à arriver. "Plus fort que David Larose ? C'est bien de le dire. Qu'il le prouve maintenant", lance le responsable de Bleus. Un défi que le Boulonnais relève en s'emparant du bronze au Tournoi de Paris en février et en dominant son compatriote en finale des championnats d'Europe deux mois plus tard.

Dans un sport propret qui brandit son code moral (modestie, contrôle de soi, politesse, etc.) comme la Bible, les incartades répétées du judoka font tache. A tel point que l'ACBB, son club qui lui versait 1700 euros mensuel, a décidé se séparer de lui à la rentrée. "Le maire et le président ont décrété que je ne correspondais pas aux valeurs du club", commente, acerbe, le judoka. Au premier rang des chefs d'accusation, son arrogance dont il semble s'accomoder: "Un athlète qui n'a pas l'arrogance de dire qu'il est le meilleur n'est pas un champion. Pour moi, il est inconcevable de perdre. Hors de question de dire que quelqu'un est plus fort que moi. J'ai un parcours et une personnalité tellement atypiques que ça fait parfois grincer des dents. Surtout en France. Mais je ne me complets pas dans un moule."

Le moule, Loïc Korval n'a effectivement jamais réussi à s'y fondre. Adolescent turbulent, le garçon a écumé presque tous les pôles France de l'Hexagone dont il a souvent été renvoyé pour des problèmes de comportement. "J'étais insolent, je répondais aux professeurs... Pour autant, j'ai toujours réussi à l'école. A la maison, c'était la carotte", souligne le titulaire d'un Master 1 Administration économie et sociale (AES). Cette rage de vivre et de vaincre, il dit l'avoir héritée de sa "famille de battants" originaire de Guadeloupe. De son enfance dans une "campagne mal famée", à Neuilly-en-Thelle (Oise) "où l'on ne pouvait pas se mettre en retrait sous peine de se faire écraser".

Mais l'héritage le plus précieux provient de ces longues nuits de solitude en 2006 et 2009 quand, dans une chaise roulante ou sur un lit d'hôpital, Loïc Korval soignait des douleurs dorsales devenues trop douloureuses. "Je m'estime plus fort que mes concurrents parce que je suis passé par des épreuves qu'ils n'ont pas connues. Il me fallait une force de caractère inouie pour les surmonter. Au moment décisif, dans les grandes échéances, ça joue forcément."

Se relever, toujours et encore, voilà son credo. Parrain de l'association Handi-actions, Loïc Korval a fait de la lutte contre l'injustice sociale son cheval de bataille. "Les gens doivent être fiers de vivre. Grâce à mon titre européen, j'ai redonné espoir à beaucoup de gens. Si le monde ne nous accepte pas, forçons-le", dégaine-t-il. Mardi 26 août, Loïc Korval forcera le monde à le reconnaître lui aussi. "On est plus fort qu'on croit quand on sait", prononce-t-il avec l'aplomb d'un vieux sage. "C'est bête, mais c'est comme si je connaissais déjà la fin." Une réplique, comment dire... Korvalistique.

Florent Bouteiller Retrouvez @Au tapis! sur Twitter

1988 Naissance le 15 mai à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne).

 

2010 3 e aux championnats du monde à Tokyo en -66 kg.

2013 Champion de France 2 e division en octobre à Paris. Champion de France 1 ere division en novembre à Marseille.

2014 Médaillé de bronze au Tournoi de Paris en février.

Champion d'Europe en avril à Montpellier.

Entre en lice aux championnats du monde à Tcheliabinsk (Russie) mardi 26 août.


Les journalistes Emmanuel Charlot, Olivier Rémy et Anthony Diao sont aux premières loges à Tcheliabinsk pour vous faire vivre l'événement au plus près. Résultats en direct, réactions, vidéos et analyse seront accessibles sur le site du magazine phare des judokas.

Pour ceux qui souhaitent voir la compétition en direct, sachez que seul BeIn Sports 1 diffuse l'événement entre 13 et 15 heures du 25 au 31 août. Aux commentaires, Vincent Parisi et Samyr Hamoudi, accompagnés d'une consultante de luxe : la championne olympique Lucie Décosse.



Source : combat.blog.lemonde.fr


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