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Mahershala Ali, le nouveau visage de l'Amérique

  Culture & Loisirs, #

Ascension

À l'affiche de " Moonlight " et des " Figures de l'ombre ", Mahershala Ali se dessine doucement une filmographie engagée en forme de réponse à la politique de Trump. Retour sur le parcours d'un acteur discret qui a tout pour être le chef de file d'un cinéma plus engagé.

Par Norine Raja

 

" J'ai appris en travaillant sur Moonlight ce qui se passe quand vous persécutez les gens. Ils se replient sur eux-mêmes ". Récompensé par le prix du meilleur acteur dans un second rôle aux , Mahershala Ali crée la surprise, le 29 janvier 2017, avec un discours profondément personnel. Dans une cérémonie déjà hautement politisée, marquée par de multiples dénonciations du " muslim ban ", l'acteur se place dans le registre de l'intime pour cibler Donald Trump (sans jamais citer son nom). " Ma mère est révérende, je suis musulman. Elle n'a pas sauté de joie quand je lui ai parlé de ma conversion, il y a dix-sept ans. Mais aujourd'hui, nous avons appris à mettre nos différences de côté. Je peux la voir, elle peut me voir, notre amour a grandi ", explique-t-il, saisi par l'émotion, pour appuyer son appel à la tolérance. Un plaidoyer qui, dans ce climat nauséabond, prend d'autant plus de résonnance que son auteur n'est pas de ceux qui s'épanchent devant les caméras.

Des personnages qui ont du sens

Quinze ans. C'est le temps qu'il a fallu à Mahershala Ali pour sortir des limbes des rôles oubliables, passer de célèbre inconnu - l'acteur qu'on a vaguement déjà vu quelque part, celui à qui on demande " comment c'était de travailler avec Jennifer Lawrence ? " - au visage qui s'illustre sur les couvertures de Vanity Fair ou du Hollywood Reporter. S'il est apparu dans moults projets prestigieux, de l'Étrange histoire de Benjamin Button à la saga Hunger Games, sa carrière prend un véritable tournant lorsqu'il décroche en 2013 le rôle de Remy Danton dans House of Cards. Son charisme et son élégance n'échappent pas aux regards affutés des abonnés Netflix, plébiscitant en nombre cette première création originale. Malgré cette fraîche renommée et une nomination aux Emmys, le comédien quitte ses habits de lobbyiste au bout de quatre saisons, désireux d'explorer d'autres registres... et d'opter pour des rôles plus engagés. Free State of Jones, par exemple, dans lequel il incarne un esclave en pleine rébellion, sorte d'hommage " à ceux qui (lui) ont permis, en tant qu'Afro-américain, d'être libre aujourd'hui ". Ou encore sa prestation dans , série imprégnée de culture black, qu'il a choisi pour " son impact moral et culturel ", révélait-il au New-York Times. Et, bien sûr, Moonlight qui épouse une perspective rare à l'écran : celle d'un garçon noir stigmatisé pour son homosexualité dans un quartier pauvre de Miami.

Militant malgré lui

Pour Mahershala Ali, ces opportunités sont précieuses. " J'ai grandi sans jamais me voir à l'écran. J'ai grandi en nous voyant (les Noirs, NDLR) seulement jouer l'ami, les seconds couteaux dans l'intrigue, ou dans l'histoire d'un autre ", confiait l'acteur à The Independant. Une sensation d'invisibilité qui l'a poursuivi toute sa vie, de son enfance dans la banlieue très blanche d'Oakland (Californie), à son premier rôle dans la série Crossing Jordan où il servait de " caution diversité " (selon ses propres mots). De là vient sans doute sa volonté d'affirmer son identité haut et fort, lui qui incarne l'ennemi ultime dans l'Amérique de Trump : noir, musulman, acteur (il ne lui manquerait plus que les origines mexicaines). " Je suis un Afro-américain, il ne s'adresse pas à moi ", confiait-il, dans les mois précédents l'élection et son discours aux SAG Awards. Faut-il déceler, dans ces interventions rares, une nouvelle fibre militante ? Interviewé par le Hollywood Reporter, une semaine après son appel à la tolérance, l'intéressé refuse de s'étendre sur le sujet : " J'adorerais ne pas parler de Trump. Je n'ai absolument rien de positif à dire sur lui. "

L'engagement tranquille

Mahershala Ali n'est pas de ceux qui battent le pavé, le poing levé, même s'il salue le courage de la génération Black Lives Matter. Il ne s'improvise pas non plus en icône anti-racisme, à la façon d'un Jesse Williams (Grey's Anatomy) transformant les BET Awards en plateforme pour son militantisme. Mais il est conscient de la force d'une simple caméra : " L'industrie du divertissement permet, à sa manière, de donner de la légitimité aux gens. Quand tu te vois sur le petit ou le grand écran, c'est le signe que tu existes. C'est aussi l'opportunité de montrer au grand public que tu es un être humain comme eux ", expliquait-il au site Complex. Ce qui implique aussi d'aller à contre-courant des clichés, ceux qui collent à l'homme noir une image de virilité exacerbée. Dans Luke Cage et Moonlight, il incarne deux facettes de cette masculinité toxique : Cottonmouth, pure produit d'une éducation à la dure (" il doit apprendre à pisser debou t ", affirme sa tante), et le contre-exemple Juan, le dealer qui défie les stéréotypes. Loin de la figure du caïd, il joue les pères de substitution pour Chiron, le rassure alors qu'il prend conscience de son homosexualité et, dans une magnifique scène baignée par la lumière de la lune, lui apprend à nager dans un ultime geste de transmission. Tout en sensibilité et en bienveillance, le comédien offre une vision moderne de la masculinité, laquel contraste avec la misgoynie banalisés d'un Donald Trump, releguant ses saillies sexistes à des simples " discussions de vestiaire ", ou d'un Will Ferrel surjouant son rôle d'hétéro-beauf.

" Moonlight est un film qui fait écho à son époque par sa thématique, mais aussi parce qu'il célèbre l'empathie dans un climat de haine. S'il a engrangé plus de 20 millions de dollars de recette, alors que les productions indépendantes plafonnent à un million, c'est aussi parce que les spectateurs veulent envoyer un message fort ", explique Régis Dubois, spécialiste du cinéma afro-américain. Un constat partagé par Barry Jenkins, dans une interview pour le magazine britannique Sight & Sound : " Le film est sorti quelques semaines avant (l'élection), mais sa réception a été différente après. Il y avait plus de monde aux projections, certains venaient même le voir pour la seconde fois, comme s'ils essayaient de s'accrocher à cette expérience américaine. " Alors que les spectateurs prennent refuge dans l'art pour oublier le chaos ambiant, le rôle politique d'Hollywood et de la diversité de ses voix n'a jamais été aussi prévalent... Tout comme l'espoir de renouveau qu'incarnent des acteurs comme Mahershala Ali.



Source : Vanity Fair


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