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Massacres et mutilations d'albinos en Tanzanie et au Burundi

  Société, #

Depuis 2007 en Tanzanie et au Burundi les autorités tentent de mettre un terme à un trafic d’organes et de membres d’albinos résultant de croyances aux supposés pouvoirs magiques des albinos.

Mardi 27 juillet 2010 la justice tanzanienne a condamné à la pendaison un homme de 50 ans pour avoir tué une fillette albinos en 2008. Selon le procureur de la région nord de Mwanza des témoins ont déclaré au tribunal que l’homme avait coupé les jambes de la fillette avec une machette à minuit et bu son sang.

Une anomalie génétique

L’albinisme est une anomalie génétique caractérisée par une absence de pigmentation de la peau, des poils, des cheveux et des yeux. Les albinos naissent avec une couleur de peau et de cheveux très claire, presque blanche, due à l’absence de la mélanine qui colore la peau, les cheveux et les yeux et protège également la peau des effets néfastes du soleil en filtrant les rayons UV. Dans des régions fortement ensoleillées comme la Tanzanie ils sont plus exposés aux risques de cancer de la peau et aux brûlures liées à l’exposition au soleil. Ils pâtissent également d’un déficit de la vue. L’albinisme est reconnue par l’Organisation des Nations unies pour la Santé (OMS) comme un handicap. Le gène qui en est responsable étant récessif un enfant nait albinos parce qu’il hérite ce gène de chacun de ses deux parents. Si dans le monde la proportion d’albinos est de 1 individu sur 20 000, on compte jusqu’à 1 albinos sur 200 en Tanzanie et 1 sur 16 000 au Burundi.

Les albinos objets de nombreuses superstitions

En Afrique un enfant blanc né de deux parents noirs est un phénomène ayant toujours alimenté de nombreuses croyances bien qu’elles tendent à disparaître de nos jours. A l’époque coloniale ces enfants étaient vus comme le fruit d’un adultère de la mère avec un colon européen voire le fantôme d’un blanc. D’un peuple à un autre on les croit dotés de pouvoirs mystiques, immortels, possédés par un démon, portant la chance ou signe d’une malédiction s’abattant sur la famille.

Au Burundi et en Tanzanie des parties de leurs corps sont recherchées pour leurs puissances miraculeuses supposées et certains les emploient en tant que sacrifices humains suivant les conseils des sorciers qui ont contribué à répandre la croyance selon laquelle on en tirerait de la chance en amour, dans les affaires et dans la vie. Ces guérisseurs concoctent des potions élaborées à partir d’un membre, du nez, la langue, les os, les yeux ou les parties génitales qu’ils prescrivent à leurs clients en quête de succès. Ces différentes superstitions ont engendré un marché et sont habilement exploitées par des guérisseurs qui en ont fait leurs fonds de commerce. En Tanzanie des charlatans ont lancé une rumeur selon laquelle le sang des albinos pouvait être utilisé dans les gisements miniers pour rechercher de l’or et leurs membres pouvaient servir à améliorer la pêche de poissons. Que ce soit les hommes d’affaires ou les politiques, nombreux sont ceux qui sont convaincus que les albinos leur apporteront richesse et succès.

Ces supposés pouvoirs magiques font des albinos des victimes de crimes rituels. La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a indiqué dans un rapport en 2009 que le marché des pièces de albinos existe principalement en Tanzanie, où un ensemble complet de parties du corps peuvent se vendre pour 75.000 dollars.

Déclenchement d’une véritable chasse aux albinos

La pauvreté, la superstition et l’appât du gain ont conduit aux massacres et mutilations d’albinos dont cette région est désormais familière. Fin avril 2010 dans la province du Cankuzo dans l’Est du Burundi dix assaillants armés de pistolets et de grenades ont tué une jeune femme, Susanne Vyegura et son enfant âgé de 5 ans, d’après Kassim Kazungu de l’association des albinos du Burundi et la police locale. Les deux victimes ont eu leurs membres coupés. Les assaillants ont également arraché les yeux de l’enfant et coupé les seins de la mère. Une enquête du parlement burundais a révélé l’existence d’un marché sous-régional lié à l’emploi des membres et des organes d’albinos par des guérisseurs et l’implication des pécheurs et des orpailleurs dans ce commerce illicite. Ce trafic se concentre essentiellement dans les zones reculées bordant le lac Victoria, dans la partie Ouest de la Tanzanie, une des plus pauvres du pays où le taux d’alphabétisation est très bas.

Des récits d’atrocités d’une barbarie inouïe alimentent depuis quelques années la presse locale et internationale. Entre février et avril 2010 Trois albinos ont été tués en Tanzanie, période pendant laquelle quatre tentatives de meurtres ont été signalées. Ces décès et d’autres attaques récentes en Tanzanie font partie d’une longue liste d’actes de violence contre les albinos. D’après la Fédération Internationale de la Croix-Rouge au moins 10 000 ont été déplacés suite aux attaques contre les albinos depuis fin 2007. On dénombre depuis lors officiellement 57 albinos tués en Tanzanie et 14 au Burundi d’après Vicky Ntetema ancienne correspondante de la BBC en Tanzanie et actuellement membre de l’ONG de défense des droits de l’homme Under The Same Sun (UTSS). Les albinos sont contraints de trouver refuge dans des centres urbains où ils sont plus en sécurité. Au Burundi de nombreux paysans ont été contraints de fuir les villages pour les villes afin d’échapper à ces attaques. Tout ceci a instauré un climat de peur et d’insécurité dans lequel vivent les albinos et qui les oblige à réduire au minimum les sorties, à rester cloitrés chez eux ou à faire preuve d’une vigilance extrême une fois dehors.

D’après l’association des albinos de Tanzanie le prix d’un set complet du corps d’un albinos comprenant les membres, les organes génitaux, les yeux, la langue, les cheveux et le sang est passé de 75 000$ à 200 000$. Un membre à lui seul peut coûter 3 000 dollars. C’est donc un trafic extrêmement lucratif. Bien qu’un faible pourcentage de cet argent revient aux tueurs, les plus pauvres voient dans ce trafic un moyen de se faire facilement de l’argent. A ces prix les gens n’hésitent plus à exhumer des tombes les restes des corps des albinos pour en vendre les parties.

La médiatisation de ces massacres par les ONG comme La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et Under the Same Sun (UTSS) ainsi que leurs combats pour exiger que soient sévèrement punis les auteurs de tels crimes ont poussé les autorités burundaises et tanzaniennes à prendre des mesures drastiques pour éradiquer ce problème. Ces autorités y sont d’autant plus contraintes que cette médiatisation donne de leurs pays une image absolument calamiteuse. A cela il faut ajouter l’initiative d’une victime de cette barbarie Mariamu Stanford à qui les agresseurs ont ôté deux bras lors d’une attaque en 2008 et qui depuis s’est rendu aux Etats-Unis et obtenu qu’un membre du congrès, Gerald Conolly sollicite Barack Obama afin d’accentuer la pression sur les gouvernements burundais et tanzaniens.

Campagnes des instantes gouvernementales et des ONG afin d’enrayer ce cycle d’ assassinats 

Les gouvernements burundais et tanzaniens ont pris des mesures assez proches visant à assurer la protection des les albinos et en particulier celle des enfants. En Tanzanie les autorités ont instauré le recensement des albinos. La mise en place d’un service policier d’escorte des enfants se rendant à l’école et le recours aux structures comme les internats pour leur donner refuge sont autant de mesures qui ont été prises pour redonner une certaine forme de sérénité aux nombreux parents angoissés. La police a été invitée à intensifier la traque des sorciers employant des restes d’albinos et une campagne nationale de dénonciation anonyme des auteurs de meurtres d’albinos a été lancée. Certains enfants ont été équipés de téléphones portables afin de contacter la police le plus rapidement possible en cas d’attaque.

La mesure phare du volet répressif de la batterie de mesures prises par le gouvernement tanzanien est l’instauration de la peine de mort par pendaison des assassins d’albinos. Par cette loi les autorités tanzaniennes ont déclaré la guerre aux trafiquants d’albinos. Le premier ministre tanzanien Mizengo Pinda a fait de l’éradication de ces massacres une cause nationale. Malgré la lenteur de la justice au moins 12 personnes ont déjà été condamnées à la peine capitale depuis 2009, la dernière en date étant celle du mardi 27 juillet 2010 d’un homme de 50 ans pour l’assassinat et la mutilation d’une fillette albinos en 2008. Plus de 27 autres cas sont encore en cours d’investigation par la justice tanzanienne.

Mizengo Pinda a décidé de faire du 4 mai une journée nationale de commémoration en souvenir des hommes et des femmes albinos victimes de la barbarie de ceux qui guidés par la superstition ont attenté à leurs vies. Une journée pendant laquelle chaque Tanzanien est invité à réfléchir sur le chemin encore à accomplir pour éradiquer ces horribles meurtres. A cette occasion le gouvernement tout comme le peuple tanzanien doivent renouveler leurs engagements à garantir à tous les albinos du pays le droit à une vie sans peur. En janvier 2009 le premier ministre tanzanien avait également pris la décision unilatérale de révoquer toutes les licences des guérisseurs du pays à cause de leurs responsabilités dans les sacrifices d’albinos. Une décision critiquée par l’association des guérisseurs traditionnels qui a fustigé l’amalgame fait entre les guérisseurs qui offrent leurs services à 30% de la population du pays et les responsables du trafic d’albinos.

En 2008 le président tanzanien Jakaya Kikwete a chargé la députée Shaymaa Kwegyir,elle-même albinos de mener des campagnes de sensibilisation. Cette dernière préside aussi une commission d’enquête sur les responsables des tueries d’albinos en Tanzanie. Depuis, Shaymaa Kwegyr sillonne le pays pour combattre les croyances profondément ancrées dans la conscience populaire et faire évoluer les mentalités en faveur d’une meilleure insertion des albinos dans la société. Ce travail de sensibilisation et d’éducation de la population entrepris par la députée est également engagé par le tissu associatif local et les ONG comme Under The Same Sun installée dans la capitale Dar Es Salem.

Des programmes éducatifs mais aussi une assistance médicale aux albinos

Les ONG comme la FICR, UTSS et les associations locales d’aide aux albinos jouent un rôle essentiel dans la diminution constatée du nombre d’homicides dont sont victimes les albinos et leurs familles. Ces organismes servent de sentinelles en alertant les autorités sur les évolutions des exactions à l’encontre des albinos et en militant pour que les auteurs répondent de leurs actes devant le système judiciaire. Cela se traduit notamment par le suivi des enquêtes policières et des dossiers aux mains des justices tanzanienne et burundaise. Parce que pour beaucoup les superstitions et l’emprise des guérisseurs sur la société tanzanienne et burundaise ne peuvent seules expliquer toutes ces affreux crimes, la lutte contre l’ignorance et la pauvreté de la population est aussi devenue un moyen de s’attaquer à ce problème. A cause de cela une meilleure éducation des populations locales est un autre impératif pris à cœur par ces organismes.

Ainsi des associations d’aide aux albinos essayent de mettre en œuvre des programmes éducatifs pour la population, des programmes d’entraînement du personnel de santé ou encore des stages pour les enseignants et les parents pour les sensibiliser sur la nécessité d’aider les enfants albinos à se protéger du soleil à travers le port de lunettes, de chapeaux ou de vêtements à manches longues. Des documentaires sur le sort des albinos sont également diffusés au public. Face aux risques de cancers de la peau dus à l’exposition au soleil dans cette région fortement ensoleillée, des lotions de protection de la peau, des lunettes et des chapeaux sont régulièrement fournis à cette population. Une aide médicale aux albinos victimes des attaques est également fournie par ces organismes à ces familles majoritairement pauvres dont les bourses ne peuvent supporter le coût des soins médicaux et des moyens de protections pourtant indispensables.

Les sévères mesures prises par les autorités burundaises et tanzaniennes associées à l’action des ONG et des associations d’aide aux albinos ont contribué à diminuer les assassinats et les mutilations qui ont pris de l’ampleur ces 3 dernières années. Ces mesures se heurtent cependant aux croyances et superstition profondément ancrées dont ces sociétés ne pourront rapidement se débarrasser. Un autre obstacle de taille est la pauvreté des populations locales qui poussent les personnes qui malgré tout continuent de perpétrer ces attaques contre les albinos, à mutiler leurs victimes sans leur ôter la vie afin de s’épargner la peine de mort en cas d’arrestation. Dans un pays extrêmement croyant, l’indéniable emprise sur toutes les couches de la société de ceux-là même qui élaborent des potions et autres gris-gris à base de restes d’albinos montrent aux autorités et associations qui luttent pour mettre fin à ces atrocités que les guérisseurs ne peuvent être écartés du panel de solutions qui résoudront ce fléau.

Pour aller plus loin :

albinos-in-tanzania.blogspot.com (En anglais. Blog reprenant des articles de la presse tanzanienne et contenant des récits détaillés du calvaire des victimes)

NomeFam


Source : AgoraVox


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