Devenez publicateur / Créez votre blog


 

Musique - Lura : la voix qui raconte le Cap-Vert et l'Afrique

  Musique, #

La voix de Lura est un enchantement. Un enchantement qui porte haut les rythmes populaires de l'archipel cap-verdien, du funana à la morna en passant par la coladeira. Le sourire de la chanteuse reflète toute l'humilité de sa personnalité. Installée sur une chaise dans les bureaux du label Lusafrica, avec lequel elle vient de publier un cinquième album, Herança (Héritage, en français), Maria de Lurdes Pinta Assunção, dite Lura, n'a rien de la diva à laquelle on imagine se frotter après l'écoute de son nouvel opus. Habillée d'un simple jean et d'un chemisier, coiffée d'un afro, elle a le visage doux, et le regard chaleureux. Décontractée, elle accueille sans prétention. On croirait une artiste encore en pleine maturation. Et pourtant, Lura comptabilise près de vingt ans de carrière. Remarquée en 2000 pour son duo avec le chanteur Bonga, elle signe, en 2004, un contrat avec le label Lusafrica (producteur de Cesaria Evora, Pierre Akedengue, Sekouba Bambino, Olivier N'Goma, l'Orquesta Aragón ou encore Djelimadi Tounkara). Elle ne l'a pas quitté depuis. " J'ai tout ce qu'il faut pour mener à bien ma mission : raconter et rappeler l'histoire du Cap-Vert. Je me dois de ranimer ce qui a forgé ce peuple. ". Mais au-delà de l'empreinte purement cap-verdienne, Herança est également un hommage à l'héritage africain, souligne Lura. " Je chante l'Afrique dans son entièreté. Pour moi, cet album est comme un hymne au continent et à son histoire dont le peuple cap-verdien fait amplement partie ", ajoute-t-elle.

L'hybridité africaine célébrée

Née à Lisbonne peu après l'indépendance du Cap-Vert, Lura était encore sur les bancs de l'université quand un chanteur de zouk originaire de São Tomé-et-Principe lui propose de participer à son nouvel album. Elle a à peine 17 ans. À 21 ans, elle enregistre Nha Vida, son premier disque. Nous sommes en 1996. Elle a trouvé sa voie. Et surtout, sa voix. Une voix à la tessiture grave et chaude. Chaude comme le folklore de l'archipel cap-verdien où sont nés ses parents. C'est d'ailleurs à cette époque qu'elle découvre le Cap-Vert : l'île maternelle de Santo Antão et la petite bourgade paternelle d'Achada Falcão sur l'île de Santiago. Désormais installée à Praia, la capitale, Lura continue de mûrir sa musique à travers un farouche attachement à ses racines. " Je chante ce que nos ancêtres nous ont laissé et ce que le peuple cap-verdien a traversé afin que je puisse vivre ce que je vis aujourd'hui ", souligne-t-elle. Aussi, ce nouvel opus rend hommage au folklore local en reprenant trois titres traditionnels vieux de plus de 30 ans : " Somada " qui évoque le retour au pays d'un Cap-Verdien jusqu'alors nostalgique de son lieu de naissance, " Sema Lopi " qui parle de l'esprit de l'homme cap-verdien et de la profondeur de son âme, enfin " Ambienti Màs Seletu " qui fait référence à la traite négrière de la Guinée au Sénégal en passant par le Nigeria. " Ces morceaux sont une façon pour moi de célébrer une florissante période de la musique cap-verdienne. Il faut savoir que le funana était une musique de revendication, un rythme interdit pendant l'esclavage puis sous la colonisation ", explique Lura. " Ces chansons sont pour moi des des photographies du Cap-Vert. "

Cesaria Evora, une rencontre salvatrice

En 2011, Cesaria Evora disparaît. Lura en est très affectée. C'est que sa rencontre avec " la diva aux pieds nus ", à São Vicente l'année d'avant, reste un souvenir ineffable. Lura vient de sortir son premier album au Portugal et se rend à São Vicente pour la première fois. Pour elle, la " diva aux pieds nus " restera cette femme touchante, simple et naturelle qui parlait plus des velléités de la vie que de musique. " Elle me donnait énormément de conseils. Je me souviens qu'un jour, alors que je lui racontais un chagrin d'amour, elle a rétorqué que si l'on savait que nos hommes seraient là pour le déjeuner, on ne pouvait pas savoir s'ils seraient là au dîner (rires). " Lura soupire. Ses yeux brillent un brin. " Elle disait qu'être capable de chanter, être doté d'une voix, c'était un don de Dieu et que c'était pour cette raison qu'il fallait préserver ce don et chanter avec dignité ". En 2010, à l'occasion de la sortie de son best-of, elle enregistre " Modã Bo " en duo avec Cesaria Evora. " C'était un vrai challenge pour moi ", confie Lura. " J'ai beaucoup hésité avant d'avoir le courage de lui proposer de chanter avec moi sur l'un de mes textes. D'ailleurs, c'est à son manager que j'ai parlé en premier. " Lura décide alors de lui faire une déclaration empreinte de son admiration et de sa dévotion envers elle. Au final, la chanson est construite comme un dialogue entre une jeune femme et son aînée. " Cesaria Evora m'a réellement permis de comprendre le sens de la musique ", ajoute Lura dans un nouveau soupir.

L'esclavage et la " saudade "

Dans Herança, la chanteuse apporte également sa définition de la " saudade ", cette mélancolie empreinte de nostalgie heureuse. " La saudade reflète l'esprit du peuple cap-verdien ", affirme-t-elle. " Avec Herança, j'évoque la saudade des Cap-Verdiens qui ont quitté l'archipel à la recherche d'une vie meilleure. Leurs parents et leur terre leur manquent aujourd'hui. Et vice-versa. Mais ne faut-il pas continuer à vivre ? Aussi, le soleil et l'atmosphère restent propices à la joie ", souligne notre chanteuse, de plus en plus décontractée, avec force gestes mimant une danse en pleine fête. C'est d'ailleurs cette saudade qui jaillit de la chanson " Goré " (" Gorée "), île de mémoire de la traite négrière et située au large de Dakar (Sénégal). " L'esclavage est une page horrible de notre histoire. On ne saurait dire le contraire. Mais aujourd'hui, c'est derrière nous. Et quand on y réfléchit bien, l'esclavage est le point de départ du chemin vers l'Afrique que nous connaissons : multicolore et diversifiée ", soutient Lura. Elle insiste encore, toujours avec le sourire, sur l'hybridité de l'Afrique qui la ravit : " La créolité est quelque chose de merveilleux. Herança est une façon pour moi de le dire aux Cap-Verdiens, de leur signifier toute l'étendue de leur richesse. "

Sur le disque, on retrouve aussi un duo avec Richard Bona (" Barco Di Papel "), musicien et chanteur camerounais qu'elle a rencontré cette année-même à l'occasion du Creole Jazz Festival du Cap-Vert. " Il y a très vite eu une grande complicité entre Richard Bona et moi. C'est tout naturellement qu'on a décidé de faire ce duo ", affirme Lura. Mais Richard Bona n'est pas la seule pointure à avoir participé à ce disque. Il y a également la patte du musicien Mario Lucio, actuel ministre de la Culture du Cap-Vert, qui signe les textes de cinq des morceaux d' Herança, parmi les plus éloquents quant à la créolité et l'héritage cap-verdiens. Lura sublime ainsi, de sa voix charismatique et passionnée, un disque poétique, aux textes en créole cap-verdien ou portugais, et d'une remarquable intensité.

Source : afrique.lepoint.fr


PARTAGEZ UN LIEN OU ECRIVEZ UN ARTICLE

Pas de commentaire

Pas de commentaire
 
Aicha
Partagé par : Aicha@Allemagne
VOIR SON BLOG 23 SUIVRE SES PUBLICATIONS LUI ECRIRE

SES STATS

23
Publications

1612
J'aime Facebook sur ses publications

28
Commentaires sur ses publications

Devenez publicateur

Dernières Actualités

Pas d'article dans la liste.