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Non, Monsieur Le Foll, malheureusement, la France ne soutient pas l'agro-écologie en Afrique

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A l'occasion de sa visite en Afrique de l'Ouest, Stéphane Le Foll a accordé une interview à Jeune Afrique. Cela lui a permis d'évoquer le déploiement de l'initiative "4 pour 1 000" et le rôle de la France face à l'enjeu d'autosuffisance alimentaire en Afrique. Tout semble se résumer en un mot : l'agro-écologie. Pourtant, à regarder de plus près la réalité des investissements français en Afrique, le compte n'y est pas.

Stéphane Le Foll évoque avant tout l'initiative qu'il a portée lors de la COP21 : le "4 pour 1000", qui vise à promouvoir la séquestration du carbone dans les terres agricoles et forestières, afin de contribuer à la compensation des émissions de gaz à effet de serre. Il insiste sur les enjeux de gouvernance et de financement de l'initiative d'ici à la COP 22. Mais rien n'est dit sur la sélection des pratiques agricoles qui y seront promues. Si la France met en avant l'agro-écologie dans le cadre de cette initiative, elle ne se résume pourtant pas à cela. Aucun critère d'inclusion ou d'exclusion n'a été formellement adopté, pour assurer le soutien à des pratiques vraiment transformatives et respectueuses de l'environnement. Ce qui permet finalement aux membres de cette initiative de pouvoir faire la promotion de pratiques très diverses, et notamment l'agriculture de conservation dont Monsanto affirme que l'un des piliers est l'utilisation du glyphosate. La France qui a pourtant clairement fait connaître sa position sur ce dossier aux niveaux français et européen, ne semble pas prête à faire de même au sein du 4 pour 1000.

Par ailleurs, si l'on regarde de plus près les financements et les investissements français dans l'agriculture africaine, l'agro-écologie n'en représente qu'une part infime. En effet, en 2015, 60% des 400 millions déclarés par l'Agence française de développement au titre des financements pour la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne recouvraient des projets... d'infrastructure : des routes en Côte d'Ivoire et un terminal de fret aéroportuaire en Ethiopie. On a vu plus direct comme financement pour la sécurité alimentaire !

Et l'agro-écologie ne fait pas partie de la principale initiative internationale dédiée à la sécurité alimentaire en Afrique lancée en 2012 par le G8 et dotée de 9 milliards d'euros dont la France est un contributeur majeur (1). A l'inverse, cette "Nouvelle Alliance pour la Sécurité alimentaire et la nutrition", dont sont membres les trois pays visités par Stéphane Le Foll, repose sur le développement de l'agrobusiness, en s'appuyant sur des leaders du secteur comme Yara, Monsanto, Cargill ou Louis Dreyfus Commodities. Accaparement de terres, endettement de paysans, introduction des OGM... les impacts de cette initiative sont d'ores et déjà nombreux. Le Parlement européen a d'ailleurs appelé au mois de mai les Etats du G8 à s'attaquer aux déficiences majeures de cette initiative qui contribue à marginaliser et appauvrir les paysans et met en péril la souveraineté alimentaire africaine.

Stéphane Le Foll affirme que "la France ne peut pas être en Afrique seulement pour garantir ses intérêts agroalimentaires". Il faut donc espérer qu'à l'occasion de ce déplacement, le ministre ne se limite pas à visiter un projet de Danone au Sénégal, ou des industriels du cacao en Côte d'Ivoire. Il est essentiel qu'il rencontre des organisations paysannes et des agriculteurs familiaux qui, produisant 70% de l'alimentation, sont les premiers acteurs à soutenir en Afrique. Enfin, si Stéphane Le Foll souhaite être cohérent et imposer l'agro-écologie comme une solution à la lutte contre la faim et le changement climatique, alors la France doit quitter la Nouvelle Alliance, réorienter ses financements pour la sécurité alimentaire en Afrique et mettre en œuvre une stratégie reposant sur les agricultures familiales et l'agro-écologie paysanne. Pour une réelle souveraineté alimentaire sur le continent africain, Il est plus que temps de mettre en cohérence les discours et les actes.

(1) Voir le rapport du CCFD-Terre solidaire, Action contre la Faim et Oxfam France : "La faim, un business comme un autre".

Maureen Jorand Responsable du Pôle Plaidoyer Souveraineté Alimentaire



Source : Libération.fr


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