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Omar el-Béchir : l'Afrique n'a pas besoin des Occidentaux pour se développer

  Politique, #

Le 16 février dernier, 14 journaux ont été saisis et interdits par les autorités soudanaises, provoquant l'indignation de l'opposition et de la communauté internationale, qui dénoncent des atteintes à la liberté d'expression.

Quelques jours avant, le 11 février, Human Rights Watch a publié un rapport accusant l'armée soudanaise d'avoir perpétré des viols contre plus de 200 femmes au Nord-Darfour. Pour le président soudanais, Omar el-Béchir, il s'agit d'accusations sans fondement. Le maître de Khartoum s'exprime aussi sur la meilleure façon, selon lui, de lutter contre le terrorisme djihadiste.

Vous êtes au pouvoir depuis plus de 25 ans et vous vous représentez à la présidentielle en avril. Pourquoi s'accrocher ainsi au pouvoir ?

Je n'ai pas de conseils à donner à mes homologues africains. Je suis convaincu qu'ils font au mieux pour préserver l'ordre et la stabilité.

En ce qui me concerne, selon la Constitution intérimaire adoptée par l'assemblée nationale en juillet 2005, le chef de l'Etat peut briguer deux mandats. Pour moi, ce sera donc le dernier mandat et, si je suis élu, je quitterai le pouvoir en 2020.

Où en est le dialogue avec l'opposition ?

Des arrangements ont été scellés et un accord va être signé. Une assemblée générale, qui se compose de toutes les forces ayant signé cet accord, sera ensuite constituée, de même qu'un comité chargé de suivre ce dialogue et d'en assurer le bon déroulement. Donc les choses sont rentrées dans l'ordre.

Ce n'est pas ce que dit l'opposition qui déplore une répression et un processus au point mort.

C'est pourtant la réalité. J'ai multiplié les gestes envers l'opposition qui a eu des revendications que j'ai entendues et que j'ai prises en compte. Ce processus de réconciliation entamée il y a une année est sur le point d'aboutir.

Que pensez-vous de l'appel pour la libération de prisonniers politiques lancé par votre ancien allié passé à l'opposition, Hassan al Tourabi ?

Il faut bien faire la distinction entre un prisonnier politique et un criminel condamné par la justice pénale. Je vous le dis : depuis le 1 er avril 2013, il n'y a plus de prisonniers politiques au Soudan.

L'opposition dénonce également de graves atteintes à la liberté d'expression. Pourquoi les autorités soudanaises ont-elles saisi et interdit 14 journaux lundi 16 février ?

Les lois sécuritaires visent à empêcher et à punir toute action nuisible à la sécurité nationale. Tout ce qui touche à notre sécurité est du ressort de services qui agissent conformément à la loi.

Cette opération contre la presse se faisait dans ce cadre. C'est une affaire intérieure qui ne concerne pas les puissances étrangères qui, pour certaines, se sont permises de la commenter.

Que répondez-vous à ceux qui vous qualifient de " dictateur " ?

J'ai l'habitude ! Depuis l'embargo décrété en 1995, je suis considéré comme un dictateur, un criminel de guerre, un génocidaire.

Mais j'ignorais qu'un dictateur permettait l'existence de 120 partis politiques et d'une opposition véhémente. L'élection de 2010 s'est tenue sous la surveillance des organisations internationales et régionales, et nul ne l'a contestée. Cette Constitution intérimaire a été élaborée par toutes les forces politiques au Soudan. Il en va de même des lois électorales.

Vous vous considérez comme victime d'un acharnement ou d'une sorte de complot ?

Je mène des politiques qui dérangent certaines grandes puissances à commencer par les Etats-Unis. Je dis haut et fort que la résistance palestinienne a le droit de résister à Israël.

Je suis clairement contre les interventions américaines dans les pays musulmans, de l'Afghanistan à l'Irak, en passant par la Libye. Ce qui provoque la colère de beaucoup de puissances.

" J'ignorais qu'un dictateur permettait l'existence de 120 partis politiques et d'une opposition véhémente ", Omar el-Béchir

Le Soudan et moi-même dérangeons, car nous démontrons que, malgré les sanctions économiques, nous continuons notre développement et je n'infléchis aucunement mon discours. Ce qui semble porter ses fruits puisque les États-Unis viennent de lever partiellement les sanctions dans le domaine des technologies de la communication.

Mais l'économie soudanaise souffre. Comment faites-vous pour remplacer les revenus pétroliers depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011 ?

Je ne nie pas nos difficultés économiques causées entre autres par l'embargo des Etats-Unis qui ont incité leurs alliés à faire de même. La création du Soudan du Sud nous a privés de 80 % des revenus pétroliers. Nous avions un accord pour compenser trois années de perte de ces revenus pétroliers soit près de 11 milliards de dollars, dont un tiers devait être pris en compte par la communauté internationale. Cela n'a pas été honoré. Mais nous avons dépassé cela avec des réformes économiques et un plan de relance sur cinq ans que je compte mettre en œuvre lors de mon prochain mandat. Je compte diversifier notre économie, augmenter la productivité pour pouvoir réduire nos importations. Nous avons démontré que nous n'avons pas besoin des Etats-Unis et plus largement des Occidentaux pour nous développer.

Vous êtes sous mandat d'arrêt de la CPI (Cour pénale internationale) qui a interrompu, en décembre, son enquête pour les crimes supposés commis au Darfour. Pour vous, est-ce une victoire ?

Cette CPI fait partie des outils de déstabilisation du Soudan. Ces accusations sont fabriquées de toutes pièces : ce sont des mensonges. En plus, le Soudan n'a pas ratifié le protocole de Rome. Donc je ne me plierai pas et résisterai à cet acharnement politique qui instrumentalise la justice internationale. D'autant que les crimes commis par les Américains ne sont pas jugés.

Donc pour moi, la CPI n'a aucune légitimité. Il n'y a pas eu de génocide au Darfour, et les fameux janjawids [les miliciens du Darfour, au Soudan] auraient subitement disparu.

Un rapport de Human Rights Watch du 11 février dernier accuse l'armée soudanaise d'avoir perpétré, en octobre 2014, des viols contre plus de 200 femmes à Tabit au Nord-Darfour. Avez-vous mené une enquête sur vos hommes ou pris des sanctions ?

Tout cela est grotesque. Je ne peux pas nier qu'il y a un conflit au Darfour. Mais lorsque des groupes armés se constituent et menacent la sécurité nationale et le gouvernement, je me dois de réagir. Ceux qui luttent contre l'occupation en Israël sont considérés comme des terroristes. Il en va de même ici au Soudan, où je me dois de défendre l'Etat. Mais il y a aussi des conflits tribaux animés par des questions complexes de pâturage causées par la sécheresse. Les conflits qui existent au sein des tribus arabes dépassent de loin le conflit entre tribus arabes et les autres [dont les Four, et les Zaghawa]. À Washington, à Paris, et chez leurs alliés, c'est compliqué pour les diplomates de comprendre ces subtilités.

L'ONU, qui déplore le sort réservé à la force mixte avec l'UA (Unamid), contrainte de quitter le Darfour, a récemment mis en garde contre le risque de voir cette région se transformer en sanctuaire pour les groupes djihadistes armés.

Ban Ki-Moon représente les intérêts américains et s'en prend donc au Soudan. Nous ne l'acceptons pas et nous ne nous laisserons pas faire. Les Etats-Unis nous considèrent comme un soutien du terrorisme. Pourtant, le Soudan est épargné par les actions terroristes qui se nourrissent des injustices occidentales. Nous avons notre manière à nous de traiter avec les groupes terroristes.

Au sein de la jeunesse soudanaise, certains se sont laissés tenter par le radicalisme. Nous avons opté pour le dialogue au lieu de la force. Et nous avons réussi à convaincre nos jeunes d'abandonner ces idées. Toute confrontation directe et militaire avec ces groupes les renforce.

Soutenez-vous la mise en place d'une force mixte adoptée à l'Union africaine contre Boko Haram ?

Les opérations contre Boko Haram, Daech et les autres n'aboutissent à rien pour le moment. La pensée ne peut être vaincue par la force. Nous avons une expérience en matière de lutte contre le terrorisme et nous sommes disposés à la partager avec nos frères africains. Mais je suis contre toute intervention militaire du Soudan à l'étranger, que ce soit contre Boko Haram ou d'autres. Je n'interviens pas dans les affaires internes des autres pays africains. Et je demande à ce qu'on n'intervienne pas dans les affaires internes du Soudan. La solution sortira du dialogue et de la déradicalisation des jeunes. C'est ce que nous avons fait ici, et cela fonctionne. Je pense que toutes ces organisations terroristes sont animées par la pensée d'Al-Qaida, une organisation créée par les services secrets américains. Donc Washington a une responsabilité et fait partie du problème. C'est une guerre contre l'Islam.

Quelles sont les principales menaces pour le Soudan ?

Aujourd'hui, la principale menace du Soudan est d'ordre économique. Et les mouvements rebelles dans la région du Nil Bleu et du Kordofan du Sud.

Quelle est la nature du rapprochement avec l'Ouganda qui a accepté d'expulser les groupes rebelles soudanais ?

Ce rapprochement s'inscrit dans le cadre de relations bilatérales. Cette relation ne se fait au détriment de personne, et certainement pas du Soudan du Sud. Les efforts déployés pour parvenir à la paix au Soudan du Sud continuent et nous y contribuons car nous sommes directement affectés par ce conflit à nos frontières.

Et nous accueillons des milliers de déplacés que nous traitons comme des déplacés internes. Car je considère le Soudan comme un seul pays. Il n'y a donc pas de camps de réfugiés pour eux, ils sont ici chez eux et mon gouvernement leur fournit l'aide nécessaire.

" Ce qui se passe au Nigeria avec la montée en puissance de Boko Haram doit se résoudre par le dialogue et la déradicalisation des jeunes ", Omar el-Béchir

Envisagez-vous un retour à la guerre avec le Soudan du Sud ?

Aucunement. Tant que le Soudan n'est pas visé et menacé directement par des acteurs de ce conflit, je ne vois pas pourquoi je ferais la guerre. Je vous rappelle que nous avons fait la guerre pour parvenir à la paix. Et que nous étions vainqueurs lorsque nous avons accepté la paix.

Comment voyez-vous l'évolution de la situation en République centrafricaine ?

L'Etat centrafricain est trop faible et le gouvernement central doit être soutenu et consolidé. Nous avons des forces militaires mixtes avec la RCA pour protéger nos frontières et j'ai fourni une assistance aux forces centrafricaines. Je ferai tout pour sécuriser nos frontières.

Pourquoi avez-vous soutenu la Séléka et quels sont vos liens aujourd'hui avec l'ex-Séléka ?

Autrefois, j'ai soutenu financièrement et militairement François Bozizé. J'ai ensuite soutenu la Séléka car elle était au pouvoir à Bangui. J'ai accepté le changement de pouvoir. Aujourd'hui, je n'ai plus de contact avec l'ex-Séléka. Je ne sais même pas où ils se trouvent et quelles sont leurs intentions.

Quelles sont vos relations avec votre homologue tchadien Idriss Déby ?

Excellentes. Notre coopération pourrait servir de modèle aux pays africains. Nous avons une coopération commerciale, économique et militaire avec des forces mixtes. En matière de contrôle des frontières, Idriss Déby est exemplaire. Je lui donne l'accès à Port Soudan pour ses importations et ses exportations. Le Tchad est directement affecté par la crise en cours en Libye et par Boko Haram.

Les routes vers le nord et vers l'ouest par le Cameroun ne sont pas sûres. L'unique route est celle qui passe par le Soudan. Et nous la protégeons pour permettre au Tchad de maintenir son activité économique. Idriss Déby a toujours joué un rôle majeur en matière de lutte contre le terrorisme. Il a besoin de soutien et il bénéficie de l'aide française, mais aussi soudanaise. Il faut aider le Tchad.

En Libye, les autorités de Tobrouk/al-Beïda, que vous avez tardivement reconnues, ont publiquement accusé le Soudan d'avoir livré des armes et des hommes à Fajr Libya.

J'ai livré des hélicoptères libyens à ces autorités ! Ils étaient alors en réparation au Soudan. Et nous avons des forces communes soudano-libyennes qui se trouvent actuellement à Koufra et à qui j'ai envoyé des hommes, des équipements et des ravitaillements. Ces forces ont été constituées du temps où Abdallah al-Thini, l'actuel premier ministre, était ministre de la défense. Des officiers libyens s'entraînent dans nos académies pour ensuite servir la Libye et non des milices ou un camp.

Que reste-t-il de la médiation initiée par le Soudan en Libye ?

Nous avons entamé des discussions avec certains acteurs du conflit libyen dont les autorités de Tripoli. Mais j'ai décidé de laisser faire la médiation de l'ONU, en harmonie avec nos interlocuteurs libyens avec qui nous maintenons le contact en vue d'œuvrer à une solution politique en temps voulu. Le Soudan continue de collaborer avec les cinq autres pays voisins de la Libye qui sont favorables au dialogue et à une solution pacifique. Les Egyptiens ont récemment opté pour une intervention militaire. Je la condamne. Je pense que c'est une erreur qui aggrave la situation.


Source : www.lemonde.fr


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adeyemi
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