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Pierre Rabhi, la main verte de Sankara

  Société, #

Petit, malingre, allure modeste, une barbichette vaguement sage, une voix douce et cependant ferme, non, Pierre Rabhi n'est pas le dernier philosophe cathodique à Paris. Il est d'une tout autre espèce tenace, inspirante et laborieuse, extrêmement rare sous les feux de la rampe, chez Michel Drucker comme chez Laurent Ruquier.

L'homme est un paysan d'abord, mais à mille lieux de l'entrepreneur de l'agro- industrie. De ses propres mains, avec patience et humilité, il soigne la terre blessée, délaissée, jugée ingrate. Têtu et inventif, le paysan philosophie n'a pas seulement les pieds dans la gadoue. La tête tutoyant les étoiles, il ne manque pas de s'émerveiller de la beauté profonde que recèle une fleur, un bosquet ou un vermisseau. Il signe des ouvrages qui témoignent de son parcours singulier depuis le désert algérien qui l'a vu naître jusqu'à sa ferme ardéchoise d'où il fomente avec d'autres (notamment le mouvement Colibris) des projets radicaux et révolutionnaires au sens classique.

Le constat est sans concession. Certains comme le pape François le partagent et disent combien " la maison commune est en péril ". Et Pierre Rabhi de nous inviter à remettre en cause toutes nos pratiques sociales, de l'alimentation à l'éducation en passant par l' habitat ou la culture. " De ses propres mains, Pierre Rabhi a transmis la vie au sable du désert, car la vie est une, et la féconde transformation bactérienne rend au sable lui-même le don de pouvoir renouveler les espèces. Cet homme très simplement saint, d'un esprit net et clair, dont la beauté poétique du langage révèle une ardente passion. Cet homme a fécondé des terres poussiéreuses avec sa sueur, par un travail qui rétablit la chaîne de vie que nous interrompons continuellement. " Ces mots de Yehudi Menuhin, le grand violoniste et chef d'orchestre américain disparu en 1999, illuminent la préface de Parole de terre (Ed. Albin Michel) et décrivent parfaitement l'état d'esprit de ce paysan singulier.

Si son nom attire aujourd'hui les foules comme les vedettes, l'Ardéchois a longtemps prêché dans le désert. De son enfance misérable, il a gardé le goût de l'effort, le don de soi et une foi inébranlable en l'homme. L'ancien ouvrier des années 1960 troquera la grisaille de la banlieue contre la vie en campagne dure et minérale dans la garrigue ardéchoise.

Avant de manger le moindre fruit, il fait suer sang et eau, régler son horloge intérieure sur le rythme naturel, obéir à la terre et au ciel. Bref, quitter les illusions de la modernité pour tracer un autre chemin. Entrevoir et faire entrevoir qu'un autre mode de vie est possible. Si les grands axes de la pensée du chantre de la Sobriété heureuse commencent à trouver un public fervent, on ne s'attarde pas sur ses liens anciens avec les pays du Sahel.

C'est dans la terre du Burkina Faso que les équations rabhiennes donneront leurs tout premiers résultats. C'est en 1981, dans un pays qui s'appelait encore la Haute Volta, que les premières graines sont semées, les agriculteurs locaux initiés aux exigences particulières de l'agriculture écologique en zones arides en utilisant que des engrais naturels.

Séduits, ces derniers renouvellent l'expérience et s'affranchissent des pesticides et autres poisons chimiques. Du maraîchage à l'élevage et au reboisement, c'est un nouveau rapport à la terre qui s'amorce patiemment. Le président Thomas Sankara a placé l'autosuffisance alimentaire au cœur de son projet politique et n'a pas tardé à prendre langue avec le coopérant si particulier.

Le courant passe très bien, les deux hommes s'admirent selon un témoin de l'époque, Jean Ziegler. De retour en France, Pierre Rabhi apprend que le président des paysans est assassiné. Ce fut un choc et une épreuve. La première expérience de 1981 fut décisive et aujourd'hui, au Burkina Faso comme dans toute la région ( Bénin, Mali, Niger, Togo), on continue à transmettre le savoir-faire agroécologique pour assurer aux plus démunis une autonomie alimentaire, avec le concours de Terre et Humanisme, une ONG initiée par Pierre Rabhi. Avis aux agriculteurs.

Abdourahman A. Waberi est né en 1965 dans l'actuelle République de Djibouti. Il vit entre Paris et les États-Unis, où il a enseigné les littératures francophones aux Claremont Colleges (Californie) et est aujourd'hui professeur à George Washington University. Il est l'auteur entre autres de " Aux États-Unis d' Afrique " (JCLattès, 2006) et vient de publier " La Divine Chanson " (Zulma, 2015).



Source : www.lemonde.fr


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Estelle
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