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Pourquoi il est urgent que les coiffeurs soient éduqués aux cheveux afro

  Mode & Beauté, #

Discriminé depuis l'esclavage, le cheveu afro est, encore aujourd'hui, méconnu des coiffeurs et dévalorisé. Pourtant, dans une société de plus en plus métissée, les besoins se font ressentir et les coups de gueule se multiplient.

"Ce n'est pas normal. Ce ne sera jamais normal. Cela doit changer." Le 7 mars dernier, la mannequin Olivia Anakwe publiait sur son compte Instagram une vidéo d'elle accompagnée d'un texte dénonçant les discriminations à l'encontre des mannequins de couleur dans le monde de la mode. Un "racisme inconscient" comme le nomme Rokhaya Diallo, journaliste et co-auteure d' Afro! (éd. Les Arènes), qui persiste de manière générale dans l'ensemble de la société, et plus particulièrement en France.

Voir cette publication sur Instagram

This message is to spread awareness & hopefully reach anyone in the hair field to expand their range of skills. Black models are still asking for just one hairstylist on every team no matter where your team is from to care for afro hair. I was asked to get out of an empty chair followed by having hairstylists blatantly turning their backs to me when I would walk up to them, to get my hair done. If I am asked to wear my natural hair to a show, the team should prepare the style just as they practice the look and demo for non-afro hair. I arrived backstage where they planned to do cornrows, but not one person on the team knew how to do them without admitting so. After one lady attempted and pulled my edges relentlessly, I stood up to find a model who could possibly do it. After asking two models and then the lead/only nail stylist, she was then taken away from her job to do my hair. This is not okay. This will never be okay. This needs to change. No matter how small your team is, make sure you have one person that is competent at doing afro texture hair care OR just hire a black hairstylist! Black hairstylists are required to know how to do everyone’s hair, why does the same not apply to others? It does not matter if you don’t specialize in afro hair, as a continuous learner in your field you should be open to what you have yet to accomplish; take a class. I was ignored, I was forgotten, and I felt that. Unfortunately I’m not alone, black models with afro texture hair continuously face these similar unfair and disheartening circumstances. It’s 2019, it’s time to do better. || #NaturalHair #ModelsofColor #BlackHairCare #HairCare #Message #Hair #Hairstyling #Backstage #BTS #AfroTexturedHair #Afro #POC #Braids #Message #Spreadtheword #Speak #Awareness #Growth #WorkingTogether #BlackGirlMagic #Melanin

Une publication partagée par Olivia Anakwe (@olivia_anakwe) le

Le monde de la mode dans le viseur

Cet événement n'est qu'un exemple parmi tant d'autres discriminations que peuvent subir les mannequins de couleur. Entre les retouches photo supprimant clairement les spécificités des cheveux afro dans les magazines, les mannequins qui se font refouler des castings parce qu'elles sont noires ou encore les professionnels qui ne sont pas formés à coiffer et maquiller les personnes racisées, on ne compte plus les coups de gueule poussés par les modèles ou autres célébrités.

 

Marie Fofana, une mannequin de l'agence IMG Models, nous explique avoir vécu des situations similaires et ce, de manière récurrente : "Un jour, lors d'un shoot, j'ai été contrainte de me faire des tresses pendant ma pause dej' car la maquilleuse-coiffeuse ne savait pas les faire." Aujourd'hui, après plusieurs années passés dans le milieu, elle semble résignée : "En général, quand j'arrive en backstage, je me dirige d'abord vers les maquilleurs car je n'ai pas envie de me confronter directement à une personne qui ne saura pas s'occuper de mes cheveux."

Si ces discriminations semblent particulièrement présentes dans l'industrie de la mode, elles le sont tout autant dans l'ensemble de la société. Rokhaya Diallo explique que "Les mannequins ont une visibilité particulière dans les médias et sur les réseaux sociaux du fait de leur métier, mais ce qu'elles vivent correspond au quotidien de millions de femmes qui sont invisibles."

La France au dernier rang

Bien qu'une prise de conscience se soit développée ces dernières années, le cheveu afro a longtemps été méprisé et maltraité. En France, la situation semble toujours problématique. Bien que le nombre de personnes afro-descendantes augmente, les besoins de ces dernières en termes de coiffure et d'esthétique ne sont toujours pas pris en compte, ou très peu.

 

Aline Tacite, cofondatrice du studio Boucles d'Ebene, consacré à l'esthétique du cheveu afro et à la beauté noire, explique que, dans l'inconscient collectif, les cheveux frisés ou crépus sont perçus comme "une matière qui n'est pas malléable et pas jolie". Elle qui a étudié la coiffure en Angleterre et en France, constate une différence de mentalité entre les deux pays : "En France, que ce soit à l'école ou dans les salons, je me suis vite rendue compte que le cheveu était qualifié de pourri à partir du moment où il n'était pas totalement lisse et brillant."

Pour elle, cela peut s'expliquer par le fait que, traditionnellement, dans la société française, "on a souvent tendance à mettre tout le monde à la même enseigne, quitte à laisser de côté les spécificités de chacun, qui ne sont donc pas forcément reconnues et valorisées".

Une vision lissée et euro-centrée de la beauté

Alors, pendant de nombreuses années, les besoins liés à la nature des cheveux crépus ou frisés ont été totalement ignorés. Jusqu'à peu, une grande majorité de femmes aux cheveux afro pratiquaient le défrisage, une technique qui provoque des brûlures du cuir chevelu et des chutes de cheveux importantes.

 

Rokhaya Diallo s'était d'ailleurs confiée aux Inrockuptibles à ce sujet lors de la sortie de son livre, Afro!, en novembre 2015. Selon elle, "Les canons de beauté dominants valorisent les cheveux lisses et longs chez les femmes
notamment, devenant un critère d'acceptation de soi." Prenant l' exemple d'Audrey Pulvar - qui avait reçue des remarques désobligeantes après être apparue publiquement avec ses cheveux naturels -, elle déclare : "Le cheveu frisé c'est l'entertainment, le comique, le divertissement, ou la musique. Une personne qui porte cette image de sérieux ne peut pas porter ses cheveux au naturel."

 

Si certaines le pratiquent encore le lissage, par choix esthétique ou peur d'être stigmatisées par l'ensemble de la société, d'autres ont décidé, portées par le mouvement "nappy" [contraction de "natural" (naturel, en français) et "happy" (joyeux, en français), ndlr], de se réapproprier leurs cheveux naturels. Mais là encore, la tâche s'avère difficile. Les produits adaptés à leurs besoins sont difficilement accessibles - d'autant plus en province où de nombreuses personnes n'ont d'autres choix que de passer commande sur Internet -, et les coiffeurs sachant s'occuper des cheveux afro se font encore très rares.

En France, des formations inexistantes

En cause principalement, l'éducation nationale qui ne semble pas prendre conscience du problème et avance incroyablement lentement. Si les coiffeurs ne sont pas formés, ce n'est pas par mauvaise volonté de leur part, mais bel et bien car aucune école reconnue ne propose de formations aux cheveux afro. Anne-Marie Giroudon, responsable de la filière coiffure esthétique de la faculté des métiers de l'Essonne, explique que la principale difficulté se pose au niveau des formateurs : "En France, beaucoup de coiffeurs afro sont formés sur le tas et peu d'entre eux sont intéressés par le fait de donner des cours. De plus, les salons classiques ont très peu de clientes aux cheveux afro et nos élèves ne pourraient donc pas s'entraîner autant que sur les cheveux caucasiens."

 

Des arguments qu'il est nécessaire de relativiser. C'est ce que nous explique Aude Livoreil-Djampou, doctoresse en ingénierie chimique et fondatrice du studio Ana'e, spécialisé dans les cheveux afro : "Aucun budget n'est mis en place, ce qui pose un énorme problème au niveau de la formation des professeurs au sein des écoles, mais il y a tout de même un certain nombre de coiffeurs diplômés avec des brevets professionnels ou de maîtrise qui, eux, sont largement disponibles." Pour elle, la principale difficulté se pose plutôt au niveau de la lourdeur du système administratif français.

Et elle parle en connaissance de cause. En 2015, elle est allée à la rencontre du ministère de l'Education et de la Fédération de la coiffure afin de mettre en place un certificat de qualification professionnelle (CQP) spécialisé dans la coiffure afro. Aujourd'hui, quatre ans après avoir entamé les démarches relatives à sa mise en place, elle n'a plus aucune nouvelle du projet qui semble coincé dans les tuyaux de l'administration. D'après Isabelle Roy, la directrice du service qualité et développement économique de l'Union nationale des entreprises de coiffure (UNEC), "le projet n'est absolument pas abandonné, il a seulement pris un peu de retard avec l'instauration d'une loi relative à l'enregistrement des titres en 2018, mais il sortira dès que possible".

"Un manque de volonté politique"

Lassée de devoir attendre, Aude Livoreil-Djampou a créé son propre centre de formation dédié aux cheveux de toutes formes, le studio Ana'e. Bien qu'il ne soit toujours pas reconnu par l'Etat, il fait partie des rares établissements "certifiés" et validé par Pôle emploi. Afin de répondre à la demande grandissante en Île-de-France mais également en province et à l'étranger, elle a également décidé de mettre en place une formation digitale : "Beaucoup de personnes souhaitant se former nous ont contacté, mais la plupart n'ont pas les moyens de se déplacer à Paris. La dimension digitale de la formation est donc la réponse à ce problème."

 

Une solution alternative qui met en évidence la lenteur du système français. Pour Rokhaya Diallo, le fait qu'aucune formation aux cheveux afro ne soit mise en place par le ministère de l'Education est la preuve que "l'Etat, par une forme de racisme inconscient, ignore l'existence de toute une partie de la population". Elle déplore "un manque de volonté politique et d'intérêt pour ces questions qui peuvent sembler secondaires alors qu'elles empoisonnent la vie de nombreuses personnes."

Un constat d'autant plus frappant lorsqu'on compare la situation de la France à celle du Royaume-Uni et des Etats-Unis, où des formations aux cheveux afro sont ouvertes depuis plusieurs années. Aline Tacite explique : "Pour avoir vécu dans des pays anglophones, je peux vous assurer que là-bas, la différence est considérée comme un atout. Le fait de vivre en communauté ne vous ferme pas forcément à l'autre alors qu'en France, cela est considéré comme un crime." Il est donc temps que les choses évoluent, et vite.



Source : Les Inrocks


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