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Sécurité sociale pour tous, gratuité des frais universitaires, lutte acharnée contre Wall Street... Vu d'ici, Bernie Sanders a tout pour plaire à la minorité noire américaine. C'est pourtant sa rivale que cette minorité plébiscite largement. Mère, femme engagée, fervente pratiquante issue d'une famille modeste, Hillary Clinton accumule les points. L'ancienne First Lady mène d'ailleurs largement la course aux primaires grâce aux Etats du Sud-Ouest à forte majorité afro-américaine. Dans des Etats comme le Mississippi, la Louisiane ou la Géorgie qui comptent plus de 30% de population noire, Hillary Clinton a récolté plus de 70% des votes. Elle a fait un de ses meilleurs scores (82%) dans le Mississippi, l'Etat américain avec la plus forte population noire. Les afro-américains ne dépassent pas les 4% dans l'Alaska, Hawaii et Washington, trois Etats remportés par Bernie Sanders le 26 mars. Hillary sait parler aux minoritésLes raisons du succès de Hillary Clinton sont multiples : héritage de son mari, des origines du sud et une communication bien ficelée. Hillary sait parler aux minorités. Elle évoque aisément les questions raciales quand Bernie Sanders se perd parfois dans des explications simplistes. "Quand vous êtes blanc, vous ne savez pas ce qu'est vivre dans un ghetto. Vous ne savez pas ce qu'est la pauvreté", avait-il déclaré pendant le débat démocrate sur CNN, le 7 mars. Un discours fortement critiqué qui affaiblit la cause de Sanders auprès des populations noires. Les fact-checkers n'ont pas tardé à venir contredire cette vision de la pauvreté exclusivement noire. En 2015, 19 millions de blancs américains étaient considérés comme pauvres contre 10 millions d'afro-américains, selon les chiffres de US Censor, le bureau du recensement des Etats-Unis, cités par Politifact. Bernie, l'homme du Vermont rural, avec ses 1% d'afro-américains, était bien loin de la réalité. Sa rivale, quant à elle, a préféré parler de racisme et discrimination plutôt que de ghetto. Son message était destiné à la population noire mais également blanche. "J'essaye de mener une discussion qui s'adresse non seulement aux afro-américains mais qui parle aussi aux blancs américains de la lucidité d'esprit qu'ils doivent avoir en face des barrières auxquelles les afro-américains font face, non seulement dans le système de justice criminelle, de taux d'incarcération, aussi catastrophique qu'il soit, mais aussi dans l'emploi et le logement", avait-elle déclaré, en février dernier, dans une interview à BET, la chaîne afro-américaine. Dans un article intitulé " L'homme derrière le succès de Clinton auprès des afro-américains", le site de CNN voit l'influence de Marlon Marshall dans les discours de Clinton. Marshall, un jeune Noir de Saint Louis, est un des responsables de campagne de l'ancienne Secrétaire d'Etat. D'après CNN, c'est lui que Clinton a contacté après la fusillade meurtrière de l'église de Charleston en juin 2015. Sa présence offre une légitimité et une crédibilité qui font défaut à Sanders. Autre avantage de Clinton, son parcours dans un Etat du sud. Première dame de l'Arkansas entre 1979 et 1981 et de 1983 à 1992, elle met en avant son engagement auprès des femmes et enfants de milieux défavorisés dans l'état d'origine de son mari. L'héritage de Bill ClintonHillary s'appuie sur les acquis de son mari. Un southerner jouant du saxophone à la télévision, un président qui a nommé quatre Secrétaires d'Etat afro-américains et qui a amélioré les conditions économiques de tout le pays. Les années Clinton sont fastes : un taux de chômage historiquement bas de 4%, la pauvreté en régression, 21 millions d'emplois crées. L'ancien président est encore connu sous le nom de "premier président noir des Etats-Unis". En l'appelant ainsi, l'auteure Toni Morrison ne vantait pas les connaissances de Clinton en culture afro-américaine mais décrivait plutôt sa situation dans l'affaire Lewinsky où il a été persécuté "comme un Noir dans la rue". Il y aussi des taches sombres dans cet héritage laissé par Bill Clinton. Des stigmates qui refont surface dans la campagne actuelle. Dans sa tribune "Pourquoi Clinton ne mérite pas le vote noir ", publiée dans The Nation, Michelle Williams, professeur de droit et spécialiste des questions raciales, dénonce la politique des Clinton qui a "décimé l'Amérique noire". En cause, la "Crime Bill Act" de 1994 et les incarcérations massives de noirs et hispaniques pour des délits mineurs qui ont suivi. Michelle Williams écrit : "Quand Clinton est parti en 2001, les Etats-Unis avaient le taux d'incarcération le plus élevé du monde. Dans sept Etats, les afro-américains représentaient 80 à 90% des prisonniers pour des affaires de drogues, alors qu'ils n'étaient pas plus consommateurs ou vendeurs de drogue que les blancs."Les super-prédateursHillary Clinton a soutenu cette loi avec une phrase qu'elle regrette aujourd'hui. "Ce ne sont pas des gangs, ce sont ce genre de gamins qu'on appelle les "'super prédateurs'", avait-elle dit en 1996. Vingt ans plus tard, en février dernier, une activiste de Black Lives Mater, un mouvement militant pour la cause des noirs, lui a rappelé ses propos en interrompant le discours de l'ex-première dame, avec une banderole reprenant ses mots d'antan. "Je n'aurais jamais dû dire cela à l'époque et je ne prononcerai pas ces mots aujourd'hui", a-t-telle déclaré au "Washington Post". La candidate rétropédale et gagne les voix de minorités, la clé pour l'investiture démocrate. Malgré l'avance de Hillary Clinton, Bernie Sanders continue le combat et crée parfois des surprises. Au Michigan, Etat du Nord-Ouest , plus mixte que son Vermont natal, il avait gagné contre toute attente. Cependant, il faudrait beaucoup de surprises de ce genre pour rattraper le retard. Hillary Clinton compte 1.722 délégués contre 1.004 à Sanders. Il faut atteindre les 2.383 délégués pour décrocher l'investiture démocrate. Sevin Sahin
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