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En cette Journée internationale des femmes, il est de coutume d'organiser des événements et des débats permettant de dresser un bilan du chemin parcouru et sur ce qui reste à accomplir. Le colloque organisé le 23 février 2016 par Le Monde Afrique a précédé cette tradition. Ce fut aussi un moment d'enchantement grâce au panel de femmes africaines qu'il a réunies, des personnalités inspirantes " pour montrer ce que vivent les Africaines et de quoi elles sont capables ".
Ces femmes talentueuses étaient originaires de toute l' Afrique. Leymah Gbowee, activiste et prix Nobel de la paix, Chimamanda Ngozi Adichie, écrivain de renommée internationale, Fatou Bensouda, Procureure de la Cour Pénale Internationale, Magatte Wade et Bruktawit Tigabu, entrepreneuses, Ebele Okobi de Facebook Afrique, etc., sont venues à Paris témoigner et débattre de l'importance du rôle et de la place des femmes dans le développement de l'Afrique. Certaines, comme la candidate somalienne à la Présidence de la République, Fadumo Dayib, et dont la vie est menacée, n'ont pas hésité à être présentes et à dénoncer les traditions meurtrières de leur pays et les situations vécues par la diaspora africaine en Europe. Les femmes, premières victimesLes tables rondes et interventions ont mis en lumière les maux qui gangrènent de larges parties du continent et dont les femmes sont les premières victimes : la misère et la pauvreté, les carences de la justice, les fortes inégalités, les pandémies et l'insécurité qui laissent place, dans certaines zones grises, à la loi des pirates, des bandes arm ées et des djihadistes. Dans ce contexte, les inégalités entre les femmes et les hommes, mais aussi les " nombreuses disparités entre les différents pays et même entre sous-régions au sein d'un même pays " restent fortes ainsi que le montrent les études de la Banque mondiale et le panorama des inégalités femmes-hommes dans le monde dressé par l'Agence française de Développement (AFD, partenaire du Monde Afrique). Ainsi, l'Afrique subsaharienne est la région où la mortalité maternelle reste la plus élevée au monde. Parmi les multiples causes, la carence des systèmes de santé et le manque d'éducation des femmes sont les principales : l'Afrique subsaharienne reste la région avec les taux d'alphabétisation des femmes et le nombre moyen d'années d'école les plus bas au monde. Dans les zones de guerre et les Etats fragiles, les femmes sont celles qui paient le plus lourd tribut : le taux de mortalité maternelle atteint 1,1 décès pour 1000 naissances au Tchad, 1,0 en Somalie, 0,890 en République centrafricaine et en Sierra Leone. Dans ces situations, aux maux généraux, s'ajoutent le viol et les formes les plus extrêmes de maltraitance. Enfin, il convient de ne pas oublier que, dans plus de vingt pays africains, les mutilations génitales féminines (l'excision, voire l'infibulation) restent fréquentes : la plupart des 200 millions de femmes victimes d'excision dans le monde vivent en Afrique. Outre la soumission des femmes qu'elles induisent, ces pratiques sont à l'origine de nombreux décès et de traumatismes à vie. Le rôle des femmes dans l'essor du continentA côté de cette Afrique en crise et que l'opinion européenne a d'abord à l'esprit émerge une autre, terre d'opportunités qui attire de plus en plus d'investisseurs et qui engendre ses propres entrepreneurs et magnats, une Afrique à l'urbanisation galopante, un monde qui vit à l'ère du numérique, avec une jeunesse de plus en plus formée. Dans cette autre Afrique, les femmes ne sont pas en reste et leur participation à la vie politique et économique est croissante. Elle est même parfois supérieure à ce que l'on observe dans d'autres parties du globe.
Le Rwanda est ainsi le premier pays au monde à avoir un Parlement composé de plus de femmes que d'hommes et elles sont 42 % en Afrique du Sud. Huit femmes ont déjà été à la tête d'un Etat africain. Sur les 36 chambres basses parlementaires dans le monde qui accueillent une proportion d'au moins 30 % de femmes, soit le seuil généralement considéré pour avoir un véritable impact sur la décision, 11 sont africaines. La participation des femmes à la population active en Afrique subsaharienne est globalement plus élevée que dans les autres régions du monde, même s'il existe de grands écarts d'un pays à l'autre. Il faut en outre relever que les statistiques, qui font apparaître des taux de participation des femmes à la population active globalement plus faibles que celui des hommes, ne prennent pas en compte les activités à caractère domestique fortement consommatrices de temps telles que corvées d'eau et de bois, éducation des enfants, soins au groupe familial, etc. On parle donc " d'invisibilité de la contribution des femmes à l'économie ". Au total, les femmes travaillent autant voire plus que les hommes. En outre, elles occupent les secteurs les moins valorisés et retirent une part généralement faible des revenus. Elles sont fortement présentes dans les secteurs informels, caractérisés par l'absence ou la faiblesse de rémunération, l'absence de contrat et de protection sociale. Tel est le constat. Mais par quels moyens permettre aux femmes de participer à la vie économique, sociale, culturelle et politique sur un pied d'égalité avec les hommes ? Quatre axes d'actions prioritairesQuatre axes d'actions prioritaires : l'éducation des filles, le planning familial, les systèmes de protection sociale et les réseaux de femmes.
Et un commandement : associer les hommesL'émancipation des femmes ne peut se faire sans celle des hommes. L' histoire de la Tunisie, l'un des pays arabes les plus avancés quant au statut de la femme, montre que les grandes étapes de l'histoire de l'émancipation des Tunisiennes (accès à l'éducation, droit de vote, avortement, interdiction de la polygamie) ont résulté de mouvements de femmes et d'hommes, de Khair-Eddine au milieu du XIXe siècle à Habib Bourguiba au milieu du XXe siècle. Cette éducation s'avère d'autant plus nécessaire au moment où la propagande des interprétations religieuses les plus archaïques répand, en Afrique comme ailleurs, des idées rétrogrades quant à la place et au rôle de la femme dans la société. C'est dire si la liberté et l'égalité des femmes avec les hommes restent un combat à mener sans cesse. Il s'agit d'œuvrer sur les esprits pour faire évoluer les mentalités de nos société s, qu'elles soient européenne ou africaine, comme l'ont si fortement revendiqué plusieurs intervenantes lors des Débats du Monde Afrique ! Safia Otokoré est chargée de mission Relations extérieures - genre à l'AFD. Daniel Kamelgarn est conseiller au sein de la même agence. Tous deux s'expriment à titre personnel.
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