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Quel est le souci avec le fait que je sois métisse?

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Pour tout vous dire, je n'ai réellement pris conscience du fait que j'étais métisse qu'il y a 3-4 ans ET OUAIS. Pourtant je l'ai toujours été (oui oui c'est de naissance ;)). Mais avant je n'étais que café au lait pour moi... tout comme maman était chocolat et papa beige. Donc ce que signifiait "être métisse" intrinsèquement, je ne le comprenais pas. Ou plutôt pas encore. Je savais que j'avais un père français à la peau plus beige que blanche -sorry not sorry- et une maman sénégalaise qui a la même teinte qu'un chocolat chaud italien - vous savez ceux à base de chocolat noir fondu. Bref je suis née d'un mariage mixte et je suis café au lait.

 

C'est tout ce que cela signifiait pour moi jusqu'au lycée. J'avais des vacances en Bretagne ou au Sénégal. Des cousins beiges ou des tantes chocolats. Et puis un jour c'est devenu évident que ce n'était pas si simple. Je n'étais pas juste une fille métisse. J'étais une fille plus foncée que 90% des gens de mon lycée, de mon quartier, de mon équipe de gym, de mon groupe d'amis. J'étais une fille plus claire que les 3/4 de mes cousins et cousines. J'étais une gamine avec une double nationalité, une double culture : donc une double responsabilité. J'étais une future victime de racisme ordinaire et une victime de racisme tout court. J'avais sur la peau la marque de quelque chose de bien plus important que tout ce que j'imaginais.

 

Personne ne dit cela assez souvent je pense. Combien ça coûte d'être qui nous sommes. Ce qui pèse sur nos épaules en tant que métisse. En tant que représentant de la mixité. Car nous sommes le cul entre deux chaises. Du jour de notre naissance, jusqu'à notre mort. Sachant que pour ma part, je parle du métissage entre guillemet "visible". Car être métisse c'est d'abord avoir des parents de deux origines ethniques différentes. Mais ce n'est pas toujours visible à même la peau.

Dans mon cas ça l'est. Je suis "métissée". Mi blanche, mi noire. NI BLANCHE, NI NOIRE. Parfois j'aimerai ne pas être au centre. Mais en même temps je ne pourrais choisir. J'aimerai juste ne pas avoir à supporter les remarques "toi t'essaye trop d'être une blanche" "mais t'es quoi en vrai?" "c'est tes vrais cheveux ?" "ah vous les métisses de toute façon" "fausse noire" (la dernière me fait toujours mal au coeur...)... Des remarques qui remettent en cause ma vie, mon identité, mes cultures, ma personne dans son intégralité. Comme s'il fallait absolument être d'un côté ou d'un autre. Comme deux camps qui s'affrontent. Voilà ce que c'est le métissage. Être dans le no-man's land des ethnies. On est ni tout à fait ça, ni tout à fait ci.

Pourtant voilà des siècles que le métissage existe. Des milliers d'années que des gens se déplacent, se mélangent, s'aiment sans se soucier des couleurs, des origines, des cultures, des ethnies. Alors moi dans tout ça, je suis la fille qui aimerait juste qu'on arrête de la regarder avec haine et intrigue à la fois. Car oui, c'est ainsi qu'on me regarde trop souvent. Personne n'a idée du nombre de choses qu'on peut voir dans le regard des gens quand on le croise. Dés que je passe quelque part, je sais que ma couleur de peau et tous les attributs associés à mon métissage attirent certains regards. En France comme au Sénégal, c'est pareil. Mes cheveux, mes formes -que tous attribuent à mes origines quand je sais que c'est juste les cookies-, ma façon de me comporter...

Surtout quand on vit dans des quartiers où le pourcentage de "gens de couleurs" est inférieur à 5%. C'est idiot mais c'est ma réalité. La réalité de la fille que des africains abordent pour la draguer en se disant sûrement qu'avec une fille métisse ça passera mieux. La réalité de la fille qui se fait draguer en boite juste pour entendre "j'peux toucher tes cheveux s'il te plaît?" ou encore la réalité de la fille qui est obligée de justifier de son identité chaque fois qu'elle rencontre quelqu'un. Si j'étais plus clair ou bien plus foncée, on regarderait qui je suis avant de regarder ce à quoi je ressemble, on ne m'aborderait jamais avec des "t'es quoi?" Moi. "t'es d'où?" Lyon. "non mais tes origines" Française-sénégalaise.

Je n'ai jamais compté parmi ses personnes qui laissent couler les remarques sur mon métissage mais parfois cela me fatigue. Dites moi "t'es quoi" et vous prendrez un poing dans la figure si je suis énervée, ou simplement je ne répondrais pas si je suis d'humeur généreuse. Je ne suis pas une chose, je suis une personne. J'ai des origines, je les arbore fièrement même s'il m'a fallu beaucoup de temps pour m'y mettre. Il m'a fallu du temps pour me rendre compte que j'étais la fille trop noire ou pas assez noire en fonction de qui j'avais autour de moi. Il m'a fallu du temps pour voir l'importance de mon métissage dans ma vie. Il m'a fallu du temps pour voir combien il est beau et génial d'être métisse même si c'est dur.

 

 

 

 

 

C'est pourtant ainsi qu'on vit quand on a la chance de naître métisse. Parce que oui c'est une chance. Je suis fière de mon métissage. Je suis fière de mes cheveux, de ma peau et de tout ce que signifie ma double culture. Parce qu'après tout, je suis la marque d'un amour sans race, sans différence, sans discrimination. Mes parents se sont choisis pour qui ils sont, non pas parce qu'ils avaient un teint de peau précis. Pas parce qu'ils étaient nés sur un continent ou l'autre.

Je suis fière de me pavaner avec une tête pleine de bouclettes aujourd'hui. J'aime crier sur tous les toits que mon papa est français et ma maman sénégalaise. Si l'on me demande, je peux parler de mon enfance entre France et Sénégal avec plaisir. Vous verrez que j'ai eu des expériences différentes des deux côtés mais tout aussi enrichissantes, avec les hauts et les bas. Je pourrais vous dire ce que j'aime de chaque côté, et ce que je n'aime pas... Si cela peut vous aider à comprendre la beauté du métissage, vous pouvez arborer vos différentes origines, qu'elles soient visibles ou non, avec plus de fierté, alors j'adorerai vous raconter tout cela. Si cela vous permet de voir combien les métisses sont des gens comme les autres, avec une richesse différente : celle de la mixité. Car je suis riche de ma mixité.

Et si je devais choisir de changer et devenir blanche ou noire, je préférerai rester comme je suis, car c'est ainsi que je suis heureuse. N'en déplaise à ceux qui ne comprennent pas. Tout comme on ne peut pas choisir d'aimer la fraise ou la crème si on mange un fraisier. Tout comme on ne peut pas choisir entre son père et sa mère quand on les aime tous les deux de la même façon. Tout comme une personne qui aime voyager ne peut pas choisir une seule destination où elle ira pour le restant de ses jours. Tout comme on ne peut pas choisir si on veut mettre que la chaussure droite ou gauche pour sortir. Les deux vont de paire. C'est ainsi, ça ne se change pas, ne se décide pas...

Je me sens fière, belle et heureuse en tant que métisse

Alors la prochaine fois que vous voyez une métisse, demandez "de quelles origines es-tu ?" au lieu de "t'es quoi". Soyez curieux de son métissage, mais ne donnez pas l'impression que c'est une mauvaise différence... Car c'est une belle différence que l'on doit tous être heureux de vivre, de partager et de découvrir au quotidien.

Tout plein d'amour, tenderly, A.




 

Ce billet est également publié sur le blog Little Wonderlust.


Source : Le Huffington Post


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janine
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