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Reeyot Alemu, plume éthiopienne engagée

  Culture & Loisirs, #

Reeyot Alemu, journaliste éthiopienne emprisonnée pendant cinq ans, veut continuer à faire son travail dans son pays. 

De son séjour en prison, Reeyot Alemu ne garde qu'une cicatrice au-dessus du sein gauche, le stigmate d'une opération d'une tumeur bénigne dont la plaie n'a pas été soignée. " Je garderai cette marque à vie, soupire-t-elle. Elle me rappelle le combat que je mène et que je n'abandonnerai pas. "

Reeyot Alemu est journaliste en Éthiopie, un pays considéré comme le deuxième geôlier de journalistes au monde selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). En 2011, la jeune femme alors âgée de 31 ans a été incarcérée dans la prison de Kaliti dans la banlieue d'Addis Abeba.

Accusée de terrorisme, Reeyot Alemu a d'abord été condamnée à 14 ans de prison puis sa peine a été réduite à cinq ans. Quand la sentence est tombée, elle était triste mais pas abattue. " Je savais que je n'étais pas la seule concernée par les mesures répressives et liberticides qui touchent les dissidents politiques dans mon pays ", assure-t-elle aujourd'hui.

La journaliste a l'air apaisé mais reste " très fatiguée ". Elle reçoit dans l'appartement familial au quatrième étage d'un de ces condominiums qui poussent comme des champignons en périphérie de la capitale. Depuis un mois, elle est en liberté après " exactement quatre ans et sept jours de détention ".

Un matin de juillet, un gardien est venu la chercher pour lui annoncer sa libération plusieurs mois avant la fin de sa peine. " Je n'y ai pas cru jusqu'à ce que je franchisse le seuil de la prison, c'était si soudain, raconte-t-elle. On ne m'a donné aucune explication. "

La veille, les poursuites judiciaires à l'encontre de trois autres journalistes et de deux blogueurs de la plateforme Zone 9, qui étaient derrière les barreaux depuis plus d'un an, avaient été abandonnées. Ils étaient également accusés d'activités terroristes en vertu de la Proclamation antiterroriste de 2009 que Reporters Sans Frontières (RSF) a qualifiée d' " outil juridique dont le gouvernement use pour museler les voix dissidentes et créer un climat de peur qui limite les perspectives et les activités des médias " " Le gouvernement veut désormais faire bonne figure face à la communauté internationale ", suppose Reeyot Alemu.

Emprisonnée pour avoir osé critiquer le régime

" Mon seul tort est d'avoir critiqué ouvertement le régime politique, jure-t-elle. Je ne suis pas une terroriste mais ma plume devenait gênante ! ". Éditorialiste pour l'hebdomadaire local Feteh - qui signifie " Justice " - et reporter pour le site d'information Ethiopian Review, elle fustigeait régulièrement les violations des droits de l'homme en Éthiopie. Avant d'être emprisonnée, elle avait écrit sur le grand projet hydroélectrique en cours de construction, le barrage de la Renaissance. Elle reprochait au gouvernement d'obliger les citoyens à se serrer la ceinture pour contribuer au financement de ce gigantesque ouvrage.

Reeyot Alemu garde le sourire même lorsqu'elle évoque ses conditions de détention qu'elle qualifie pudiquement de " difficiles ". Des souffrances, elle n'en dira mot. Elle préfère parler des livres qu'elle n'a pas lus pendant ces années. " Je n'avais le droit qu'à des romans à l'eau de rose, lâche-t-elle avant d'éclater d'un rire nerveux. Surtout pas de politique, d'histoire, de journalisme... " Isolée des autres prisonniers, elle occupait son temps à réfléchir sur ce qu'elle ne pouvait plus apporter à son pays, enfermée entre quatre murs.

En quatre ans, Addis Abeba s'est métamorphosée... Mais la journaliste n'a pas vu de progrès dans l'exercice de son métier. Au contraire. " L'information n'est pas libre, mes confrères s'autocensurent, regrette-t-elle. Quand ils ne décident pas de quitter l'Éthiopie... "

Reeyot Alemu, elle, a décidé de ne pas fuir. Elle ne craint pas de continuer à se battre. " Ce que j'ai vécu est traumatisant, concède-t-elle sous le regard attentif de sa mère et de sa sœur qui ne la quittent plus d'une semelle. Mais je pense à mon pays. C'est un sacrifice qui en vaut la peine. " Sa sœur Eskeder a souffert de sa condamnation. Elle a perdu plusieurs emplois à cause des accusations de terrorisme qui pesaient sur Reeyot.

" Bien sûr que je n'ai pas envie de retourner en prison, avoue la journaliste avec un sourire gêné. Mais à quoi auraient servi ces années si je cessais de me battre maintenant ? Je ne lâcherai jamais mon stylo. " Même lorsqu'elle était derrière les barreaux, un recueil de ses anciens articles a été publié en amharique : sur la couverture, le dessin d'un crayon appartenant à la coalition au pouvoir (EPRDF) barrant en rouge les mots " démocratie " et " multipartisme "

Dans le salon de l'appartement trône un cadre avec des photographies de la journaliste brandissant l'étendard éthiopien et des messages de soutien en amharique. Aujourd'hui, le nom de Reeyot Alemu est systématiquement accolé aux termes " droits de l'homme " et " liberté d'expression " par des organisations comme RSF qui l'a classée parmi les " cent héros de l'information " en 2014. Un an plus tôt, elle avait reçu le prix mondial de la liberté de la presse Unesco/Guillermo Cano.

La ronde des admirateurs qui défilent chez elle depuis sa libération la touche beaucoup. " Je ne suis personne, une simple journaliste éthiopienne, remarque-t-elle. Mais si ces gens défendent ma cause, ils défendent aussi le journalisme dans mon pays. Donner la parole aux sans-voix, surtout quand les autorités cherchent à les museler, ça n'a pas de prix. "



Source : www.lemonde.fr


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