AgrinTalk : Pourriez-vous nous raconter votre parcours et l'histoire de Danaya Céréales ?

H.D. : Je m'appelle Halatou Dem, je suis directrice générale de Danaya Céréales. Il s'agit d'une entreprise familiale créée par ma mère Madame Dem Aïssata Thiam en 1992. Elle est partie d'une idée, celle d'aider les femmes qui travaillent à utiliser les céréales transformées pour cuisiner plus vite. Au départ, les produits étaient destinés à répondre à la demande extérieure et à celles des expatriés qui vivaient en Afrique, car à l'époque au Mali il était très mal vu pour une femme d'acheter des produits déjà prêts, tout devait être fait à la main du début à la fin. Aujourd'hui cela à changé et les Maliens consomment beaucoup de produits déjà transformés.

En 2004, avec l'appui de mon père, ma mère a construit une unité de production de 700 m² en zone d'habitation et elle s'est battue pour dévellopper son idée. En moins de 5 ans, il a fallu qu'elle organise un projet d'agrandissement car la demande était devenue trop importante et les commandes trop nombreuses.

En ce qui me concerne, j'ai terminé mes études de Finance en 2008. Au départ je n'envisageais pas de travailler avec ma mère, mais après avoir cumulé des stages pendant une année, je me suis rendue compte que plus de 80 % des Maliens vivaient de l'agriculture et le secteur agroalimentaire était très négligé : il était principalement constitué de femmes comme ma mère, qui n'avaient pas un niveau d'étude élevé mais qui avaient des idées d'entrepreneuriat très avancées.

Par conséquent, je me suis associée à ma mère en 2010, j'ai dissous sont entreprise individuelle en 2012 car la forme juridique n'était pas adaptée à notre projet d'industrialisation. Danaya Céréales est devenue une SARL et mes sœurs et moi sommes actionnaires de la société. Depuis 2010, nous avons travaillé en vue d'agrandir l'entreprise. Nous y avons investi plus de 300 millions de Francs CFA pour déménager en zone industrielle. L'USAID nous a subventionné à hauteur de 72 millions de Francs CFA pour l'achat d'équipements et pour une partie de la construction. Nous avons également obtenu un prêt bancaire de 75 millions de Francs CFA pour finaliser le projet.

Le 6 mars 2015, nous avons emmenagé dans nos nouveaux locaux d'une surface de 2 000 m². Aujourd'hui, 90 % de nos produits sont vendus au Mali et maintenant, nous essayons d'exporter le plus possible. C'est pour cette raison que nous avons entammé une procédure de certification ISO 22000 en août dernier car nos clients potentiels à l'international exigent une certification.

AgrinTalk : Comment gérez-vous l'approvisionnement de Danaya Céréales ?

H.D. : Concernant l'approvisionnement en matières premières, nous travaillons avec les coopératives de producteurs capables de nous fournir des produits de qualité. Actuellement nous transformons 3 tonnes de céréales par jour et nous avons l'ambition d'augmenter notre production à 10 tonnes par jour.

Nos produits phares sont le fonio et le djouka. Le fonio par exemple commence a être connu en Occident et pourrait devenir le prochain « Quinoa », à condition que nous parvenions à le promouvoir et à garantir que seuls des produits de qualité soient distribués sur le marché.

AgrinTalk : En tant que jeune entrepreneure Malienne qui réussit, pensez-vous être une exception au Mali ?

Je pense plutôt être une exception. Cependant j'ai eu la chance d'avoir une mère battante qui entreprenait, et, même si petite je n'étais pas investie dans l'entreprise, elle, elle croyait en ce qu'elle faisait. Ce qui est vraiment dommage au Mali, c'est qu'on n'encourage pas les jeunes à entreprendre. A l'école on nous apprend que l'on travaillera pour quelqu'un. Il n'y a pas d'encadrement, pas de suivi, nous sommes des suiveurs, on veut tous travailler dans les banques ou dans les multinationales.