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Réseaux sociaux : les présidents africains gazouillent au printemps

  Société, #

Certains ont pris le virage numérique, d'autres craignent les réseaux sociaux.

Conscients que Twitter ou Facebook peuvent améliorer leur image et influer sur les résultats d'une élection, plusieurs chefs d'État d'Afrique subsaharienne ont intégré les réseaux sociaux dans leur plan com. Mais d'autres redoutent leurs effets déstabilisateurs.

Il y a un mois, il s'est lancé. "Un jour spécial... il était temps de vous rejoindre ! #monpremierTweet". "Il", c'est Ali Bongo Ondimba (ABO), le chef de l'État gabonais, qui s'est fendu d'un message de 71 signes sur Twitter, hashtag en prime, pour prouver que, bien que débutant, il maîtrise déjà les codes. Depuis, il en a posté dix-sept autres, soit en moyenne un tous les deux jours. Et il y a fort à parier que, d'ici à la présidentielle de 2016, il redoublera de gazouillis.

ABO n'est pas le premier à avoir intégré les réseaux sociaux dans sa stratégie de communication. Voilà déjà quelques années que plusieurs dirigeants africains, emboîtant le pas à leurs homologues occidentaux, ont ajouté un volet numérique à leur plan com. Alors que 100 millions d'Africains se connectent chaque mois à Facebook, le rôle de ce réseau dans la diffusion des informations ne cesse de s'étoffer. Twitter et Instagram ne sont pas en reste.

Menaçants aux yeux de nombre de chefs d'État - notamment les plus vieillissants, qui n'en possèdent pas les codes -, ces nouveaux outils permettent certes de colporter des rumeurs ou d'organiser des rassemblements mais peuvent aussi, pour ceux qui ont choisi de les utiliser à leur profit, devenir leur meilleure défense. Paul Kagamé, précurseur en la matière, ne s'y est pas trompé...

D'ici à 2017, une dizaine de présidents subsahariens francophones seront confrontés à des échéances électorales importantes. Certains ont déjà lancé leur campagne en ligne, d'autres restent très frileux ou cèdent à la tentation de couper l'accès de leurs concitoyens aux réseaux sociaux, comme les Kinois ont pu en faire l'expérience en janvier.

 

Parmi les chefs d'État du continent, Paul Kagamé fait figure de pionnier. Inscrit sur Twitter depuis mai 2009, il est le dirigeant africain le plus populaire sur le réseau social, même si une grande partie de ses followers (84 %, selon le site twitteraudit.com) sont inactifs.

 

La présidence rwandaise fait de Twitter un usage stratégique : elle diffuse ses messages sans passer par le filtre de médias occidentaux jugés souvent partiaux. La direction de la communication, qui suit tous les déplacements de Kagamé, tweete en direct ses rencontres et discours sur le compte @UrugwiroVillage, en anglais et en kinyarwanda.

 

Mais, depuis le Printemps arabe, Kigali voit aussi dans les réseaux sociaux un foyer de déstabilisation potentiel. Il les surveille donc étroitement. De fait, ce sont surtout les partisans du gouvernement qui occupent l'espace numérique. En 2014, l'un des internautes qui s'étaient montrés particulièrement offensifs contre les détracteurs de Kagamé arborait l'image d'un homme blanc : @RichardGoldston. Une erreur de manipulation révéla plus tard que derrière ce compte - supprimé depuis - se cachait un employé... de la présidence.

 

Abidjan, 2 mars 2014. Première déclaration publique d'Alassane Dramane Ouattara (ADO) après une convalescence de quatre semaines en France. "Comme vous pouvez le constater, je suis en parfaite santé. Et comme beaucoup l'ont dit sur le Net, je vous présente la canne émergente", plaisante le chef de l'État. ADO, 73 ans, pourrait être totalement étranger à la génération internet. Contrairement à Guillaume Soro, le président de l'Assemblée nationale, qui en a fait une spécialité, il ne tweete pas lui-même, ne partage pas d'opinions personnelles. Il n'empêche : Ouattara, qui utilise souvent sa tablette numérique, est depuis longtemps sensible à la question. Il crée sa première adresse électronique dans les années 1990. Le site ado.ci voit le jour peu après. Aujourd'hui, une dizaine de personnes gèrent les comptes Facebook et Twitter de la présidence et du chef de l'État. Et définissent, avec l'agence Voodoo Communication, une stratégie pour la présidentielle de 2015 dans une Côte d'Ivoire de plus en plus connectée, face à une opposition aussi divisée qu'invisible sur les réseaux sociaux.

C'est, dit-on, l'attrait de Sylvia pour Twitter qui a poussé son mari, Ali Bongo Ondimba, qui se contentait jusque-là d'une page Facebook, à s'y lancer, ce 9 février. Depuis, il l'utilise quotidiennement pour évoquer son action politique ou les sentiments qu'il porte à sa femme, optant, sur le modèle américain, pour une communication numérique alliant vie publique et vie privée. Des comptes plus institutionnels, destinés à la présidence ou à Alain Claude Bilié By Nzé, son porte-parole, ont par ailleurs été créés. "Le président a voulu élaborer une stratégie globale. Cette démarche n'avait pas de sens en solo, nous allons donc l'appliquer au gouvernement et aux institutions", explique ce dernier. "On lui avait soufflé plusieurs fois l'idée auparavant", confie un habitué du Palais. Mais la première dame reste imbattable : le selfie du couple présidentiel posté sur Facebook le jour de la Saint-Valentin a recueilli plus de 11 000 mentions "J'aime" !

Longtemps réticent à s'afficher sur les réseaux, Faure Gnassingbé a pris la mesure de leur importance pour son image. Véritable geek passionné de TIC, le président a lancé il y a six mois un vaste chantier numérique pour se hisser à la pointe de la communication digitale. Ce projet, confié à Guy Lorenzo, un fidèle parmi les fidèles, devrait donner ses premiers résultats fin mars... en pleine campagne présidentielle.

En attendant, c'est depuis l'ambassade du Togo en France que sont gérés les comptes Facebook (52 000 abonnés) et Twitter (4 450 followers) de Faure Gnassingbé. Ses messages personnalisés, adressés à ses "chers amis de la Toile", vantent les bienfaits de la politique gouvernementale et les projets d'un président en pleine opération de charme.

À la traîne

Dans un pays où la forte bipolarisation de la presse agace souvent les lecteurs, des milliers de jeunes plébiscitent les réseaux sociaux pour se forger une opinion. Le président en a pris conscience, mais avec un peu de retard par rapport à l'opposant Alberto Olympio, le plus en vue sur le web (63 642 abonnés sur Facebook et 10 700 sur Twitter). Jean-Pierre Fabre, pourtant chef de l'opposition, arrive bon dernier, avec un compte Facebook suivi par moins de 8 000 personnes. Question de génération ?

 

 

Avec plus de 123 000 likes, Mahamadou Issoufou est l'un des chefs d'État d'Afrique francophone les plus populaires sur Facebook. Les communicants de "Zaki" ("le lion", en haoussa) ont largement recours au réseau social pour promouvoir ses activités. Photos, déclarations, agenda... Les abonnés sont informés quasi quotidiennement du programme du président, dont la page officielle a été créée en 2010, un an avant son élection. Cinq ans plus tard, alors qu'Issoufou s'apprête à briguer un nouveau mandat, nul doute qu'il profitera de son importante force de frappe sur Facebook pour séduire les jeunes électeurs. En face, Hama Amadou et Seyni Oumarou, ses principaux opposants, sont à la traîne, avec respectivement 11 000 et 3 000 likes.

 

On ne force pas sa nature. Joseph Kabila a beau être l'un des plus jeunes chefs d'État du continent, il rechigne à s'exprimer en public. Y compris sur les réseaux sociaux, où il n'a pas de compte "vérifié". Une situation qui laisse le champ libre aux usurpateurs : plusieurs comptes Twitter se réclamant de lui existent, sans que l'on sache qui les contrôle. Le pouvoir n'en est pas moins conscient de la puissance que peuvent avoir ces modes de communication en cas de troubles. Ainsi, le 20 janvier, au deuxième jour des manifestations contre la nouvelle loi électorale, les autorités ont coupé les SMS et internet. Et même après leur rétablissement, le 7 février, le blocage était maintenu sur les réseaux sociaux. Près de deux mois plus tard, ils restaient inaccessibles chez certains opérateurs. Mais cette censure reste relative puisque, comme toujours sur internet, il existe des moyens de la contourner - y compris pour les autorités. Le 23 janvier, alors que le réseau était bloqué, Aubin Minaku, le président de l'Assemblée nationale, mentionnait les événements sur Twitter, avec cette phrase : "Il n'y aura pas de Burkina Faso à Kinshasa, arrêtez de rêver."

Cliquez sur l'image ci-dessous pour voir le nombre d'abonnés sur twitter et sur Facebook.
Ces agences qui mènent la danse

 

 

 

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On aurait pu croire, en 2013, que Denis Sassou Nguesso s'était découvert une passion tardive. Il n'en est rien. Depuis plus d'un an, le compte Twitter de la présidence est resté inactif. Quant au compte personnel du chef de l'État, il ne publie que quelques tweets par semaine. Pas de réelle implication donc, tout comme sur Facebook, où la page du président reste blanche depuis... le 18 août 2013 ! Un espace que n'occupent pas non plus les opposants Clément Mierassa, Jean-Luc Malekat ou Mathias Dzon.

Ne cherchez pas de communication numérique du côté de la présidence tchadienne et d'Idriss Déby Itno. Il suffit de taper les mots "présidence" et "Tchad" sur Google. Le premier résultat, www. ­presidencetchad.org, a sans doute "été piraté", indique le moteur de recherche. Le deuxième est bien le site du gouvernement, mais il n'est pas des plus modernes. Les troisième et quatrième renvoient au portail de l'ancien président Hissène Habré ! Difficile également de trouver la trace d'Alpha Condé, le chef de l'État guinéen, sur les réseaux sociaux. Alors que l'élection présidentielle se jouera à partir du 11 octobre, il ne dispose de compte ni sur Facebook ni sur Twitter. Quant aux comptes liés à la présidence, ils ne mobilisent guère les foules. Mais à quoi bon se lancer alors que Cellou Dalein Diallo, le principal opposant, n'a pas gazouillé depuis près de trois ans ? Au Tchad comme en Guinée, il est vrai, les taux de connexion sont encore trop faibles pour que les réseaux sociaux influencent un nombre significatif ­d'électeurs.

À chaque dirigeant sa stratégie. Au Gabon, jusqu'en mars 2014, c'était Novacom, une agence française, qui gérait les réseaux de la présidence et du chef de l'État, lesquels se résumaient alors, pour l'essentiel, à une page Facebook. Désormais, comme c'est le cas au Rwanda depuis de nombreuses années, les autorités ont opté pour une communication interne. Elles ont recruté un Français, expatrié au Gabon pour raisons personnelles, pour redéfinir le positionnement de la présidence sur les réseaux sociaux.

Alassane Ouattara aborde, lui, l'échéance électorale d'une tout autre manière. Alors que sa communication numérique était gérée en interne, c'est désormais l'agence ivoirienne Voodoo, qui n'émettait jusque-là que des recommandations, qui en prendra les rênes en cette année charnière. Son patron, Fabrice Sawegnon, avait déjà dirigé avec succès la campagne d'Alassane Ouattara en 2010, tout comme celle du Béninois Mathieu Kérékou en 2001, du Togolais Gnassingbé Eyadéma en 2003, du Gabonais Omar Bongo Ondimba en 2005, ou du Malien Ibrahim Boubacar Keïta en 2013.

"Cette demande [des dirigeants] d'établir un dialogue direct avec la population ne cesse de croître", explique Sawegnon, qui crée un département spécialisé dans le numérique au sein de son agence. Que ce soit chez Voodoo ou chez les Français d'Image 7 et de 35°N, l'expertise numérique s'impose à tous les consultants désireux de travailler en Afrique. Et, au vu de l'expansion des réseaux sociaux sur le continent, la course ne fait que commencer.

 



Source : www.jeuneafrique.com


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