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Retour à " Bouaké la rebelle ", cinq ans après la chute de Gbagbo

  Politique, #

Sur l'esplanade du Palais du carnaval de Bouaké, ornée de couleurs, une vingtaine de Brésiliens déguisés exécutent plaisamment des pas de samba. Invités du carnaval de la deuxième plus grande ville de Côte d'Ivoire, ils donnent un cachet particulier à ce rendez-vous interrompu en 2002 et relancé il y a seulement deux ans. Signe de renouveau dans une cité où une rébellion s'était installée durant huit ans. Entre septembre 2002 et avril 2011, le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire de Guillaume Soro a tenté de chasser du pouvoir l'ancien président Laurent Gbagbo, aujourd'hui détenu et jugé depuis le 28 janvier par la Cour pénale internationale de La Haye (Pays-Bas) pour " crimes contre l'humanité " et sa responsabilité dans la crise post-électorale de 2010-2011.

 

" Ce carnaval fait partie de l'histoire de la ville. Plus de dix ans durant, les populations ont vécu comme un drame sa non-organisation. Nous l'avons fait revivre pour montrer la résurrection de Bouaké ", explique Nicolas Djibo, le maire de cette ville de 1,5 million d'habitants située au centre du pays, à 350 km d'Abidjan.

Ville cosmopolite défigurée

Depuis la fenêtre de son bureau, l'autorité municipale invite à contempler l'achèvement du nouveau siège de la représentation de la Banque centrale des Etats de l' Afrique de l'Ouest (BCEAO) situé tout juste en face de la mairie. Le bâtiment sera inauguré dans les prochaines semaines. L'ancienne agence, saccagée et pillée en 2003 lors d'une attaque à l'arme automatique, est toujours fermée.

Ici et là, on peut encore apercevoir des bâtiments effondrés, signe de la violence des affrontements qui ont fortement défiguré cette ville cosmopolite, constituée au nord par la présence d'une forte communauté malinké et de ressortissants des pays ouest-africains et au sud des communautés baoulé autochtones.

Si la ville garde des séquelles de son " occupation ", elle retrouve peu à peu son lustre d'antan. " On tire progressivement un trait sur le passé ", glisse M. Djibo. En plus de la rénovation de nombre d'édifices, les autres gages de changement, assure le maire, sont la rétrocession à l'administration et aux particuliers de tous les sites autrefois occupés par les rebelles, le retour des forces de l'ordre et la normalisation des activités économiques.

Il est midi et la sirène retentit. Par petits groupes, les stagiaires de l'Institut national de formation des agents de santé (INFAS), au nord-est de Bouaké, quittent les salles de cours pour faire une pause. Sans savoir que c'est d'ici que le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire, devenu plus tard Forces nouvelles, avait mis en place une stratégie d'expansion de leur mouvement dans la moitié nord du pays et, très probablement planifié la tentative de coup d'Etat du 19 septembre 2002 contre l'ex-président Gbagbo. Un putsch qui a plongé la Côte d'Ivoire dans une guerre civile jusqu'à la fin de la crise post-électorale et la chute du président Gbagbo le 11 avril 2011.

 

Sur l'aile droite de l'INFAS se dressent deux bâtiments isolés. Le premier a abrité pendant près d'une décennie le cabinet de l'ancien chef rebelle Guillaume Soro, aujourd'hui président de l'Assemblée nationale ivoirienne. Une partie de la paperasse y est toujours stockée. Le second lui servait de résidence. Le reste des amphithéâtres de l'institut faisait office de salles de réunion à la rébellion.

" Ce site est vraiment un symbole. Les rebelles s'étaient tous installés ici, se souvient Falikou, vigile, résident du quartier autour de cet établissement de formation d'auxiliaires de santé. Aujourd'hui, les murs ont été repeints, les cours ont repris. Notre ville a retrouvé sa quiétude et sa simplicité d'il y a vingt ans. "

20000 hommes et 13 000 fusils d'assaut

A l'instar de l'Institut, le siège de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), située au centre-ville, a retrouvé des couleurs. C'est un immeuble moderne de plusieurs étages. Après des travaux de rénovation, la Caisse a rouvert ses portes en avril 2015. La CNPS abritait l'état-major d'une rébellion qui a revendiqué jusqu'à 20 000 hommes.

Dans le cadre du programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR), mené sous l'égide des Nations unies, certains ont été réintégrés au sein de l' armée régulière, les autres ont bénéficié d'un soutien pour leur " resocialisation " avec un appui psychologique et d'une aide financière pour se former à un nouveau métier. La Commission nationale pour la lutte contre la circulation des armes légères estime que près de 13 000 fusils d'assaut et 3 millions de munitions ont été saisis durant le processus.

A deux pas de la CNPS se trouve l'imposant Ran Hôtel, de nouveau scintillant. C'est dans cet établissement qu'ont eu lieu, à partir de 2005, les difficiles négociations entre les forces rebelles et les responsables de l' arm ée régulière, conduites par des autorités religieuses et politiques. Aujourd'hui, le Ran Hôtel, dont la rénovation se poursuit depuis 2012, accueille à nouveau progressivement les visiteurs.

 

Le grand marché de Bouaké tente lui aussi de renaître après l'incendie qui l'a entièrement détruit en 2013. C'était le plus grand marché de Côte d'Ivoire. En attendant sa reconstruction, annoncée pour 2017 par les autorités, des commerçants ont installé leurs étals autour du site sinistré. Diallo est de ceux-là. " Pendant dix ans, j'ai approvisionné le marché avec des produits de contrebande. L'huile, le lait, la tomate, le carburant... tout provenait des pays limitrophes, sans que je paie la taxe. Nous étions dans une zone de non-droit, explique le commerçant comme pour s'excuser. Avec le retour de l'administration dans la ville, cela n'est plus possible. "

Diallo est persuadé que la décennie de rébellion a été un frein au développement de Bouaké. Dans sa ville sont installées quatre entreprises cotonnières et une société de tabac, auxquelles s'est jointe une usine de transformation de noix de cajou en 2012. Mais les six firmes sont encore souvent confrontées à la " fuite " de leurs productions vers les pays limitrophes, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, où les prix d'achats des produits sont plus attractifs. Une situation économique fragile qui doit encore être normalisée pour que Bouaké la rebelle devienne Bouaké la nouvelle.



Source : Le Monde.fr


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rodolphe
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