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Rokhaya Diallo : quand la féministe se prend de passion pour les coupes afro

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Rokhaya Diallo, la féministe qui défend les femmes voilées, publie début novembre Afro !, un livre à la gloire des cheveux en liberté (1). A première vue, c'est un peu comme si Simone Veil, défenseur de l'IVG, écrivait un bouquin sur le bonheur des familles nombreuses. A première vue seulement. Car l'auteur en est persuadé : il s'agit de combattre les discriminations capillaires sous toutes leurs formes. " Il y a toujours eu un enjeu sexiste et culturel autour des cheveux, soutient-elle. On tolère les musulmans à condition qu'ils ne le montrent pas trop et que les femmes ne se voilent pas. Et on tolère les Noirs à condition qu'ils n'aient pas les cheveux crépus, surtout les femmes. Ça revient à imposer une "bonne" façon d'être noire ou musulmane." Dans le sillage du mouvement Nappy (contraction de "natural and happy") qu'elle a découvert dans les milieux intello-arty de Brooklyn, Diallo a donc enquêté sur ces fortes têtes qui, à Paris, portent leurs cheveux crépus "naturels". Comprendre : sans les défriser ni les lisser.

SURTOUT, NE PAS DÉPASSER !

A travers une centaine de portraits, de China Moses à l'inconnu dans la rue, en passant par des comédiennes et deux ministres (Christiane Taubira et George Pau-Langevin), on comprend que la chevelure des Noirs a toujours été soumise à la contrainte de ne pas dépasser dans un paysage de cheveux lisses et clairs. Pendant l'apartheid en Afrique du Sud, le niveau de "crépitude" était même essentiel : " Le test du crayon permettait de déterminer le groupe racial d'un individu, raconte l'anthropologue Nacira Guénif-Souilamas dans le livre. On plaçait un crayon dans les cheveux d'une personne. S'il tenait, elle était considérée comme noire, s'il tombait, elle était classée comme blanche." Mais la chevelure des Noirs n'est pas la seule à faire l'enjeu d'une lutte politique. De Samson dans la Bible, dont la puissance résidait dans les cheveux et à qui sa maîtresse a infligé un sévère dégradé, jusqu'à "l'extrémisme roux" de Mark Colborne, condamné en septembre dernier au Royaume-Uni pour avoir tenté de tuer les princes Charles et William afin que Harry le rouquin accède au trône, l'histoire regorge d'exemples de cheveux coupés en quatre pour des raisons qui les dépassent. Qu'il s'agisse des Françaises tondues en place publique à la Libération pour avoir couché avec des Allemands, des punks ou des skinheads qui ont fait de leur toison (ou de son absence) un étendard, ou des blondes, victimes de blagues sexistes, notre chevelure véhicule du sens et des stéréotypes. Les cheveux marquent notre apparence. " C'est politique au sens large, nos sociétés se sont appuyées sur la symbolique de la chevelure pour distribuer les rôles sociaux", rappelle le sociologue Michel Messu (2). Les hommes n'y coupent pas : " A l'Assemblée nationale, on ne verra pas de crête iroquoise. Et chez les présentateurs télé, il est bon de ne pas trop grisonner", observe-t-il. Les stéréotypes venus du passé traversent nos us capillaires. Même la barbe des hipsters trouve ses racines dans l'excentricité de l'élite victorienne, d'après Giulia Pivetta (3) : elle traduit l'appartenance à une aristocratie, un groupe au fort pouvoir économique. Mais l'enjeu et la codification ont toujours été plus importants chez les femmes. De Jeanne d'Arc à George Sand qui, pour s'imposer dans des espaces masculins, se coiffaient " mâle " - la première a fini brûlée en partie à cause de sa coupe au bol qui entretenait une "diabolique" confusion sur son genre. Aujourd'hui, on retrouve souvent les coiffures garçonnes chez les ministres ou les grandes patronnes.

UN ATTRIBUT DE SÉDUCTION

Quand Rokhaya Diallo a rasé ses cheveux lissés pour retourner à son crépu naturel, elle a découvert deux choses. La première, c'est qu'elle sauvait son cuir chevelu martyrisé par les produits chimiques et son porte-monnaie. La deuxième, c'est qu'elle perdait un attribut de séduction. " Sur une femme hétéro, le cheveu ultra-court agit comme un repoussoir à mecs", témoigne-t-elle. Pour Diallo, une femme voilée se soustrait au marché sexuel de la même façon qu'une femme rasée : elle induit de la distance en signifiant qu'elle refuse de séduire. " Ce n'est pas un hasard si cette histoire de voile a commencé à l'école, affirme-t-elle. Tant qu'on ne le voyait que sur des femmes âgées, dans les années 90, on s'en fichait. Mais sur des lycéennes, futures diplômées et en âge de se faire draguer, c'est devenu un scandale." Loin de verser dans un "Nappintégrisme" culpabilisant pour les Noirs qui décrêpent leurs cheveux, Afro ! est donc un plaidoyer pour que chacun puisse affirmer ses choix capillaires. Son auteur l'assure : il n'y a pas de contradiction avec ses positions sur le voile. Après tout, Simone Veil a bien eu trois enfants...

(1) Afro ! (Les Arènes, 288 pages). A paraître le 4 novembre.

(2) Auteur d' Un ethnologue chez le coiffeur (Fayard, 2013).

(3) Auteur de Barber Coiffures, histoires de coupes 1940-1960 (La Martinière, 190 pages).

 


Source : www.grazia.fr


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