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Somaliland : attend reconnaissance désespérément !

  Politique, #

Par notre envoyée spéciale au Somaliland,

D'habitude, même les murs des échoppes sont recouverts d'une fine couche de sable jaunâtre. En plein centre d'Hargeisa, l'avenue de l'Indépendance est aujourd'hui devenue verte, blanche et rouge. Les drapeaux pendent aux fenêtres, des femmes ont enfilé des voiles tricolores, les voitures sont piquées de fanions. Un mouton a même vu sa laine repeinte.

C'est le 18 mai, l'anniversaire de l'indépendance. Au volant de son 4x4 climatisé, Salma fonce vers le centre pour ne pas rater les célébrations. Côté passager, Faïza trépigne. Infirmière à Londres, l'expatriée est revenue dans son pays natal pour ses 25 ans d'indépendance. Les deux femmes ont environ le même âge que leur pays. Malgré l'excitation qui a contaminé la ville, Salma reste pensive. " La reconnaissance... Je suis persuadée qu'elle viendra. J'espère juste que je serai encore jeune pour pouvoir fêter ça... ". Aucun pays n'a encore reconnu l'existence en tant qu'État du Somaliland.

Somaliland-Somalie : un peuple, deux histoires

Le 18 mai 1991, après un conflit d'une extrême violence contre Mogadiscio, Hargeisa se détache de la République somalie. L'union aura duré trente ans. En 1960, l'ancien protectorat britannique et l'ex-colonie italienne s'étaient associés pour former un seul État. Mais le mariage tourne mal. En 1969, le général Mohammed Siad Barre prend le pouvoir par un coup d'État. Au nord, le Mouvement national somali se rebelle. Siad Barre réprime brutalement la révolte. En 1988, l'aviation bombarde Hargeisa, faisant 50 000 victimes. " Là, ce n'est même plus un cas de divorce, c'est " je suis marié avec une femme qui verse de la strychnine dans mon café tous les matins ", métaphorise Gérard Prunier, historien français spécialiste de la Corne de l'Afrique.

"Pour comprendre comment deux populations issues d'une même ethnie sont devenues ennemies fratricides, il faut remonter dans le passé. Le Somaliland et la Somalie ne sont pas passés par le même filtre colonial", poursuit le chercheur. Le Somaliland était un simple protectorat britannique, voire un garde-manger d'où l'on s'approvisionnait en bétail pour nourrir les troupes au Yémen de l'autre côté du Golfe d'Aden. Dans les campagnes, des vieux me racontent n'avoir jamais aperçu un seul Anglais. Le tissu social n'a jamais été brisé. En revanche, c'est une autre histoire à Mogadiscio. La politique coloniale italienne a été d'une brutalité extraordinaire, où les éléments de la société civile indigène ont été effacés. "

La grande Somalie : un rêve brisé

Aujourd'hui, les conséquences de l'histoire sont criantes. La Somalie est un pays en ruines, toujours menacé par les extrémistes Al Shabbaab... Le Somaliland, lui, en est à sa quatrième élection. L'État actuel a bâti une société démocratique telle qu'elle est conçue en Occident, mais en s'appuyant sur ses traditions. Le parlement bicaméral est composé d'une assemblée de députés élus, et du " Guurti ", la chambre haute des " anciens ", les chefs de clans.

Somaliens et Somalilandais, deux populations issues d'une même ethnie, parlant la même langue, pratiquant la même religion, mais qui ont emprunté deux voies radicalement divergentes. Si le Nord était au départ en faveur d'une union avec Mogadiscio, il y a maintenant une incompatibilité physique. " Il y a eu ce rêve d'une grande Somalie, rappelle le chercheur, et le Somaliland a brisé ce rêve. Au Sud, ils sont vus comme des traîtres. Et les passions sont encore vivantes ".

Des pourparlers enlisés de facto

Dans ce contexte chaotique, un dialogue s'est organisé à partir 2012 avec Mogadiscio. Impossible plus tôt car le gouvernement de transition n'était pas reconnu et Hargeisa n'avait pas d'interlocuteur. " Des simili de pourparlers ", corrige un intellectuel somalilandais. Organisés à Londres d'abord, les pourparlers ont ensuite été chapeautés par la Turquie. Côté somalilandais, ça coince. " Si on lance un dialogue, la moindre des choses serait que le médiateur soit impartial ". Car pour Mogadiscio, Ankara joue au grand frère. Depuis 2011, le gouvernement de Tayyip Erdogan a versé 400 millions de dollars en aide humanitaire à la Somalie, premier bénéficiaire de l'aide turque sur le continent. L'aéroport Aden Abdulle et le port de la capitale sont aussi gérés par des entreprises turques.

Il y a peu à espérer de ce dialogue d'autant que la Somalie se prépare aux élections présidentielle et législatives prévues en août prochain, et le Somaliland élira lui son futur chef d'État en 2017. " Les deux pays ne vont pas relancer un dialogue explosif dans un contexte électoral. Il y a peu à espérer dans les prochaines années ", juge Matt Bryden, analyste politique canadien et directeur du think tank Sahan Research.

La communauté internationale se tait

Quant à la communauté internationale, elle se refile la patate chaude. Ni les États-Unis, ni l'Union européenne, ni la Ligue Arabe n'osent se prononcer avant l'Union africaine (UA). Or, les dernières indépendances africaines décrétées ont été un échec. L'Érythrée en 1991 a été rebaptisée " La Corée du Nord " du continent, le Soudan du Sud a sombré dans une guerre civile deux ans seulement après sa séparation de Khartoum.

Pourtant le Somaliland respecte l'article 4-b de la Charte de l'organisation panafricaine qui requiert de " respecter les frontières existant au moment de l'accession à l'indépendance ". Or les frontières actuelles du Somaliland correspondent à celles du protectorat britannique. C'est que le mot " sécession " est tabou sur le Continent et cela dessert le Somaliland.

... malgré un rapport favorable de l'Union africaine (UA)

En 2005, pourtant une mission d'observation de l'UA avait rédigé un rapport favorable, considérant que le Somaliland réunissait les conditions d'un État moderne. " La recherche de reconnaissance du Somaliland est historiquement unique et justifiée dans l'histoire politique africaine. Ainsi, l'UA devrait trouver une méthode spécifique pour gérer ce cas à part ". Le rapport a doucement fini dans un tiroir et, depuis dix ans, rien.

La reconnaissance se fait toujours attendre. Si la voie politique échoue, l'État d'à peine 4 millions d'habitants tente la stratégie économique. En ce sens, le Somaliland vient discrètement de faire un pas vers la bonne direction en signant le contrat de rénovation du port de Berbera avec Dubaï Ports World. " Là, on est dans la réalité et plus seulement dans la loi, observe Gérard Prunier. Bien sûr DP World, ce n'est pas les Nations unies. Mais il y a un potentiel. Pourquoi ? Parce qu'ils ont l'argent, et une capacité de gestion. Dubaï est une puissance locale, et de haut niveau. " De quoi compenser économiquement le déficit politique de la non-reconnaissance. Et pour le quotidien des Somalilandais, ce serait déjà une avancée.



Source : afrique.lepoint.fr


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