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Ultramarins de Bretagne : de Mamoudzou à Carnac, le chemin de la reconstruction pour la psychologue Rozette Yssouf

  Société, #

De Carnac, elle ne connaissait que les menhirs aperçus en photos sur internet. Depuis décembre dernier, elle vit à quelques mètres de ces "drôles de cailloux". À 35 ans, Rozette Yssouf est venue s'installer avec Rayane, son fils de 5 ans, dans cette commune du Morbihan. "Une ville de riches où les pauvres ne se voient pas et où tout le monde a une maison secondaire, ironise-t-elle. À la différence de Mayotte, ici, j'ai à nouveau des rêves. Un jour aussi, j'aurai ma maison".

Le calme et la sérénité

Psychologue dans une clinique à Vannes, la jeune mahoraise est venue chercher en Bretagne, "le calme, la sérénité, une sorte de retraite pour élever mon enfant".

A Carnac, elle s'habitue aux "troubles de l'humeur du temps"

Auteur du livre "La solitude du cœur" écrit au fil des années pour "évacuer les souffrances du passé", Rozette Yssouf ne sait pas combien de temps elle restera dans le Morbihan, "le temps de me reconstruire", dit-elle. À Carnac, elle s'habitue aux "troubles de l'humeur du temps" et profite avec son fils de la plage "même s'il ne comprend pas bien pourquoi l'eau est plus froide qu'à Mayotte".

"On ne joue pas avec les marrons"

Petite, mince, d'une gaieté simple et discrète, Rozette Yssouf à l'habitude de s'adapter à la vie en métropole. Titulaire d'un Master en Sciences de l'éducation, elle a étudié à Nanterre (près de Paris) et à Montpellier où elle rencontre une amie bretonne qui lui donne envie de s'exiler à Carnac.

"Pour mon fils, c'est plus difficile, remarque-t-elle. En rentrant de l'école, il m'a dit que ses copains ne voulaient plus jouer avec lui parce qu'il était marron". Réservée, la jeune femme n'est pas du genre à faire des histoires, mais parfois, elle s'agace. "Quand on est de couleur, il faut toujours prouver que l'on est à sa place, se faire accepter, remarque-t-elle. C'est un combat au quotidien de montrer aux gens qu'on est intéressant à côtoyer".


Une enfance de princesse en métropole

Carnac, est un "défi de plus" dans la vie déjà bien remplie de cette jeune mahoraise. Née à Mamoudzou, Rozette Yssouf a grandi entre Mayotte et Marseille où sa tatie l'emmène à l'âge de 5 ans. "Elle me prenait pour sa fille, m'offrait poupées et jouets, c'était le grand luxe", se souvient Rozette qui estime de pas avoir souffert de cette tatie accaparante et de ce premier déracinement. Quelques années plus tard, "malgré la vie de princesse", la fillette veut rentrer à Mayotte où elle rend jaloux ses frères et sœurs qui envient ses jouets "et n'ont que de la terre du cimetière pour jouer près de la maison".

Les Comoriens de La Réunion

À 10 ans, Rozette suit sa mère et s'installe avec ses six frères et sœurs à La Réunion. "Une période difficile, relate-t-elle en évoquant racisme et xénophobie. Nous étions les Comoriens, méprisés, chassés d'un logement à l'autre, vivant parfois dans une case en tôle avec une seule pièce faisant office de chambre, de salon et de cuisine". "J'ai mis du temps à comprendre que j'étais aussi Française qu'eux et que j'avais le droit à l'école et au logement", s'exclame-t-elle. Dans cette période la religion l'aide à tenir. Musulmane pratiquante, elle y trouve "force et paix".

À quoi sert l'école ?

Jusqu'au primaire, Rozette ne comprend pas l'utilité de l'école. "Mes parents n'y sont jamais allés et ne m'ont jamais dit à quoi cela servait. Je croyais que c'était un lieu où se faire des amies, se souvient la jeune mahoraise. Lorsqu'elle comprend l'enjeu, elle décide de faire des études, une chance.

Bonne élève, Rozette décroche un bac général. Dans la cour de l'école, la future psychologue écoute les problèmes de ses copines et prend des notes. Quand elle évoque ce métier au lycée, un professeur lui répond sèchement : " avant de soigner les autres, il faut se soigner soi-même". "Ça ne m'a pas freiné, au contraire", poursuit celle qui estime qu'en exerçant, "les psychologues se soignent eux-mêmes".

Difficile d'être psychologue à Mayotte

Depuis qu'elle pratique son métier en Bretagne, cette professionnelle "se sent utile". "Je n'ai jamais autant aimé mon métier", confie Rozette Yssouf qui traite des "patients dépressifs, bipolaires, phobiques ou encore anxieux". "Beaucoup d'adultes souffrent de carences affectives de l'enfance, je les aide à devenir leur propre thérapeute. En les guidant, je guéris aussi mes blessures", avoue-t-elle.

En Bretagne, Rozette Yssouf s'étonne de voir ses patients "venir à tous les rendez-vous". Une situation bien différente de Mayotte, "où il y a beaucoup d'a priori sur la profession". "Les gens ne vont pas voir des psys, mais les Fundis, des thérapeutes traditionnels qui lisent des versets du Coran et enlèvent le mauvais œil", explique-t-elle. "Les Mahorais sont trop occupés à faire face aux problèmes du quotidien : comment manger, avoir des papiers, on appelle cela la clinique de la précarité. Pourtant avec l'immigration, le deuil et le déracinement mériteraient d'être traités psychologiquement".

Rozette Yssouf explique ce qui lui manque de Mayotte :


Calife à la place du Calife

Avec un regard distancié, Rozette est pessimiste sur l'avenir de Mayotte. En retournant y vivre en 2009, elle est arrivée la tête pleine de projets. "Mais très vite rien n'était possible, rien n'est fait pour encourager les jeunes, la vie associative se meurt, tout est bridé et les politiques sont trop occupés à devenir calife à la place du calife, s'agace-t-elle. Je pense faire d'avantage pour mon île en étant ici".

Depuis qu'elle s'est installée à Carnac loin de son île, la jeune femme "se sent paradoxalement plus mahoraise qu'avant". Elle fréquente parfois des amis Mahorais ou Réunionnais. "Je ne vais pas forcément vers les Bretons, j'aime ma solitude", revendique-t-elle. Une solitude qui lui permet de "se retrouver pour mieux avancer", "d'élever son fils et vivre sa vie de mère célibataire sans être regardé de travers". Sans jamais se plaindre, Rozette Yssouf poursuit sa route avec en tête cette célèbre citation : "la vie peut-être merveilleuse, même si la réalité ne l'est pas". (NDLR : citation de Liv Ullman reprise par le psychosociologue français, Jacques Salomé).



Source : www.la1ere.fr


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jack
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