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Vient de paraître: Une Africaine au pays de l'Oncle Sam

  Culture & Loisirs, #

L'excellente collection "du monde entier" chez Gallimard nous propose de découvrir la traduction en français de "Americanah", un roman signé par l'écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Ce portrait drôle et piquant d'une jeune Africaine qui débarque aux Etats-Unis et retourne quelques années plus tard au Nigéria est une plongée dans la négritude et le racisme ordinaire. Mais c'est aussi plus généralement une variation autour de la question de l'intégration. Et là, nous avons affaire à une experte!

Le propos est pour le moins ambitieux: le roman se déroule entre trois continents - l'Afrique, l'Amérique et l'Europe - et met en scène une multitude de personnages qui vont se croiser, se perdre de vue, se retrouver des années plus tard. Le tout pour aborder une question sérieuse, celle du racisme, sans pour autant se poser en donneuse de leçon. Eh bien avec son troisième roman et à seulement 37 ans, Chimamanda Ngozi Adichie fait résonner avec force sa voix dans la littérature africaine. Son livre a déjà été vendu à plus de 500.000 exemplaires aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Sa traduction en 25 langues promet que son parcours ne s'arrêtera pas là.

50 nuances de Noirs

"Americanah" est une oeuvre passionnante et intelligente qui nous offre des clés pour comprendre non seulement la société nigériane mais également ce que peut ressentir une personne de couleur aux Etats-Unis où les nuances de noir sont loin d'être anodines. Mais c'est aussi un tableau sur lequel peut se projeter tout individu qui a fait le choix de quitter son pays d'origine pour adopter une autre culture. Comment s'adapter à l'autre, s'en faire accepter, décrypter ses codes et usages? Autant de questions universelles.

L'écrivaine, qui partage sa vie entre Chicago et Lagos, s'est en partie inspirée de son parcours pour composer le portrait de son héroïne, Ifemelu. Comme elle, elle est issue de la classe moyenne supérieure igbo et a pu partir à l'âge de 19 ans étudier à Philadelphie aux Etats-Unis, avant de retourner au Nigéria. Elle est donc une "Americanah", c'est-à-dire une Nigériane américanisée. Mais surtout, elle a un remarquable talent pour prendre le lecteur par la main et ne plus le lâcher.

Des noeuds sur (ou dans) la tête

Chaque individu a un endroit de son corps qui l'obsède. Il est beaucoup question de cheveux chez Chimamanda Ngozi Adichie. Lorsque nous découvrons Ifemelu, la jeune femme est à Philadelphie où elle a rendez-vous chez le coiffeur. Ceci n'a rien d'anodin. Après avoir lutté pendant des années pour domestiquer sa chevelure revêche et la rendre lisse conformément aux canons de la beauté afro-américaine, elle s'apprête à se les faire tresser. C'est décidé, elle quitte les Etats-Unis et rentre au Nigeria. Là-bas au moins, elle sera bien dans sa peau. Une peau dont elle ne connaissait pas la couleur avant de quitter l'Afrique.

Pendant ses études à Philadelphie, Ifemelu a tenu un blog intitulé "Taceteenth ou Observations diverses sur les Noirs américains (ceux qu'on appelait jadis les nègres) par une Noire non américaine". Une chronique dans laquelle, telle le Candide de Voltaire, elle fait part de ses observations sur cette nouvelle planète qu'elle découvre: l'afro-américain. Un blog dont le succès phénoménal a fait d'elle une conférencière recherchée et grassement rémunérée. En creux s'y dessine sa vie, ses amours - avec un homme blanc de la bonne société puis avec un professeur afro-américain - et la découverte de toutes les "subtilités" qui font que l'on reste étranger à une collectivité aussi longtemps qu'on ne les a pas décryptées.

Chimamanda Ngozi Adichie excelle à raconter ce choc des cultures. Son récit fourmille d'anecdotes truculentes (comme lorsqu'elle comprend que sa patronne parle de "belle femme" pour ne pas avoir à dire "femme noire", le terme noire étant communément jugé discriminant). Mais elle sait aussi domestiquer si besoin son style et adopter une narration au classicisme typiquement américain, les phrases balançant harmonieusement entre deux paragraphes comme pour faire toucher du doigt au lecteur à quel point les efforts d'intégration de son héroïne portent leurs fruits. Ce travail de longue haleine a fini par laisser à Ifemelu "un sentiment d'épuisement tôt le matin, de flou, de non-appartenance. Il était chargé d'attentes informulées, de désirs mal définis, de brèves visions des existences qu'elle aurait pu vivre (...)". L'intégration est un long chemin semé d'embûches.

Dans ce roman fleuve de 523 pages mené tambour battant, on va aussi faire la connaissance de Obinze, l'amour de jeunesse d'Ifemelu qui va lui aussi tenter l'aventure de l'émigration. Celle-ci tourne court puisqu'il finit par être arrêté et expulsé d'Angleterre. A travers lui, c'est la face sordide de l'émigration clandestine qui est abordée.

Etranger chez soi

Et puis, la jeune "Americanah" va faire aussi la découverte du racisme dans son propre pays, le Nigeria, un phénomène dont elle n'avait pas conscience avant de l'avoir elle-même expérimenté aux Etats-Unis. Dans la société nigériane extrêmement cloisonnée en clans et castes, le regard de l'autre est souvent loin d'être bienveillant. Comment vivre avec? L'écrivaine n'a pas de solution miracle mais à la lire, on comprend que l'humour peut être une manière de mieux le supporter.

Chimamanda Ngozi Adichie: "Americanah", éditions Gallimard, traduit de l'anglais par Anne Damour, 523 pages, ISBN 978-2-07-014235-4.



Source : www.wort.lu


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