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La France Black-blanc, par François Bégaudeau

  Sport

 

Le Monde | * Mis à jour le | Par François Bégaudeau (Ecrivain)

A quelques jours de cet Euro indécis, une chose au moins est sûre : l'éventuelle victoire des Bleus ne pourra être rapportée à la gloire de la France black-blanc-beur. Au mieux pourra-t-on parler d'une victoire black-blanc. Pour les " beurs ", on repassera, puisque aucun n'apparaît dans la liste des 23 sélectionnés [le Franco-marocain Adil Rami a été rappelé après la blessure de Raphaël Varane].

Cela mérite-t-il d'être relevé, même dans une chronique spécialisée dans le coupage de cheveux en quatre ? A priori, non. Il n'est pas écrit que la sélection doive représenter les minorités. Ce qu'on lui demande, c'est de gagner, et tant pis si cela se fait avec un échantillon de joueurs non représentatif de la totalité de l'humanité.

Mais justement les seuls critères sportifs auraient dû conduire Deschamps à retenir Benzema et Ben Arfa, les deux joueurs français les plus doués de leur génération, bien que le second n'ait pas fait preuve de l'exceptionnelle constance du premier, avant- centre titulaire du plus grand club du monde depuis six ans.

D'autres paramètres ont prédominé. Ce n'est pas nous qui faisons une fixette sur le sujet, c'est eux. C'est Manuel Valls, qui, alors qu'on ne lui demandait rien, a fait savoir qu'il s'opposait à la participation de Benzema à la fête. C'est son impayable ministre des sports qui, entre une sortie sur les prières à la mi-temps dans les vestiaires de banlieue et une autre sur les footballeuses voilées, a jugé ­préférable que le néodélinquant madrilène restât à la maison en juin.

Scissions contemporaines

Les gouvernants en question ont-ils fait pression sur le sélectionneur, comme de Gaulle passait des coups de fil au directeur de l'ORTF ? Ça ne se passe plus comme ça. Ça ne passe plus par le pouvoir politique. L'équipe de France est moins une garde républicaine qu'une marque qu'il faut faire fructifier, et dont les communicants s'échinent à vendre l'image. Dans la continuité de l'irréversible ­diminution de la part du sport dans le sport, l'objectif est de former des équipes plus sympathiques que performantes.

L'Euro français ne sera une réussite économique que si les Bleus bénéficient d'un gros capital sympathie au sein du peuple hôte. Or, le peuple hôte, les sondages le montrent, ne veut pas de Benzema. N'en a jamais voulu, et encore moins depuis qu'il embête le plus petit à la récré. Les manageurs de la marque bleue étaient donc fondés à craindre que la seule présence du joueur vaudrait à l'équipe entière une impopularité susceptible de la dévaluer sur le cours de l'image. On a préféré assurer.

Depuis Knysna - où, au prix d'un amalgame éloquent, beaucoup sont convaincus que Benzema était présent -, on préfère virer les fautifs avant que la faute ne survienne, aussi vrai qu'on a condamné le prévenu avant son procès.

Il est très révélateur des scissions contemporaines que cette stratégie de communication assume le risque de casser le lien entre les Bleus et la population maghrébine. A deux semaines de cet Euro indécis, une seconde chose est au moins sûre : en cas de victoire, il y aura aussi peu d'Arabes aux Champs-Elysées que place de la République le 11 janvier. Cela sera noté, comme un instituteur remplit le cahier d'absences. La communauté sera taxée de communautarisme. Une nouvelle fois, une communion nationale aura produit de la division.

 



Source : Le Monde.fr


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